Genève

La tuilerie définitivement délocalisée

Gasser Ceramic confirme la fermeture de la Tuilerie de Bardonnex, malgré les six millions de francs mis sur la table par le Canton. Un plan social a été négocié.
La tuilerie définitivement délocalisée 1
Le propriétaire n’est pas autorisé à détruire le four de l’usine tant que la demande de classement n’a pas été traitée. JPDS
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Le Canton avait mis six millions de francs sur la table, à raison de 2 millions d’argent public et 4 millions venant d’un mécène privé, pour que la Tuilerie de Bardonnex poursuive ses activités durant au moins deux ans. Cela n’aura pas suffi à faire changer d’avis la direction de Gasser Ceramic.

Par voie de communiqué de presse, l’entreprise suisse a fait savoir mardi matin que la tuilerie ne reprendrait pas sa production genevoise, désormais transférée à Rapperswil. Un plan social, négocié avec les salariés et les syndicats, a été conclu. Il prévoit des indemnités pour les seize personnes licenciées. Son montant n’a pas été divulgué. Les sept autres employés se sont vu proposer un nouveau poste.

Des tuiles «de type» Bardonnex

Les fameuses tuiles jaunes de Bardonnex continueront d’être produites sous le nom de «tuiles de type Bardonnex» dans le canton de… Berne, indique par téléphone Rudolf Gasser, président du conseil d’administration de Gasser Ceramic. «Les nouvelles tuiles seront certes engobées, comme c’est le cas pour les autres couleurs de tuiles, mais de meilleure qualité. Nous garantissons que les bâtiments historiques pourront continuer à être couverts sans différence de teinte.»

Rudolf Gasser évoque une nouvelle fois des raisons d’ordre économique pour justifier la délocalisation. «La demande en tuiles plates de Bardonnex était en baisse depuis des années, en lien avec la multiplication des toits plats. Il aurait fallu débourser plusieurs dizaines de millions de francs pour mettre aux normes le site, notamment pour faire passer la production du mazout au gaz naturel. Un investissement disproportionné par rapport à la rentabilité.»

Hodgers déçu et agacé

Quid de l’offre du Conseil d’Etat? L’objectif des autorités était de garantir les frais d’exploitation et les salaires des ouvriers pendant au moins deux ans. Mais aussi de constituer des réserves suffisantes de tuiles pour restaurer les monuments.

Insuffisante, selon l’entrepreneur. «En échange des six millions, nous devions produire des tuiles. Ce n’est pas comme si on nous donnait trois millions à fonds perdus et trois millions de commande. Nous aurions encore été déficitaires.»

«La lutte va continuer tant que l’usine ne sera pas démolie» José Sebastiao, secrétaire syndical

Conseiller d’Etat en charge du territoire, Antonio Hodgers ne cache pas son agacement et sa déception. «Nous n’avons même pas reçu de réponse, alors que nous avons proposé de remplir leur carnet de commandes pendant deux ans. Nous nous sommes mobilisé, avons mis des fonds publics à disposition et ils partent quand même. Une nouvelle fois, les intérêts économiques priment sur le patrimoine, l’emploi local et la tradition artisanale.»

Les ouvriers mobilisés

Dans l’intervalle, une coopérative avait été créée dans le but de reprendre la production. Le projet est-il désormais enterré? Pas forcément, estime José Sebastiao, secrétaire syndical d’Unia. En colère, il pointe du doigt le rôle jugé ambigu de la société Argramat, propriétaire du site et du gisement d’argile. «Nous avons tout sur place: une usine avec un four spécifique, une terre unique permettant de produire ces tuiles, il y a les travailleurs avec leur savoir-faire, et maintenant une coopérative créée. Si le propriétaire l’acceptait, la production pourrait se poursuivre.»

Une conférence de presse des syndicats et des salariés de l’usine est annoncée cette semaine. «La lutte va continuer tant que l’usine ne sera pas démolie», affirme encore José Sebastiao. Quant au démantèlement et à la dépollution du site, à la charge de Gasser Ceramic et estimé entre un et deux millions de francs, ils sont pour l’heure suspendus à la demande de classement de la tuilerie déposée par Patrimoine Suisse Genève, toujours en cours d’instruction. Dans l’intervalle, le propriétaire n’est pas autorisé à détruire le four de l’usine.

Régions Genève Christiane Pasteur Industrie

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