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Les habitants, «experts d’usage»

Revenant sur une récente contribution invitée, intitulée «Raviver l’animation socioculturelle» (en lien ci-dessous), le collectif genevois ­InterStices réagit aux propos qui visaient la démarche d’un «collectif de professionnels» dans lequel ­InterStices s’est reconnu.
Socioculturel

Convaincu par l’approche de l’éducation populaire, l’auteur de l’article présente les travaux de Jouffray et Portal autour du «développement du pouvoir d’agir» et reprend les trois types de postures souvent employées «l’expert», «le sauveur», «le passeur». Il illustre la posture d’expert en citant un collectif de professionnels ayant proposé à une commune des actions ciblées, accompagnées d’une demande de financement; «ceci sans tenir compte des avis, souvent très précis, exprimés par les habitant-e-s dans le journal de quartier réservé à leur libre expression». La présentation faite de ce collectif, qui traduit une analyse rapide et réductrice, nécessite une rectification.

Nous sommes le collectif InterStices, un collectif pluriprofessionnel qui a vu le jour à la suite du CAS «Projets urbains et pouvoir d’agir», une formation HES-SO à Genève. Durant une année, nous avons ainsi cherché à mettre en œuvre des dispositifs de consultation citoyenne dans un quartier de Thônex en nous adressant aux habitants que nous considérons «experts d’usage», tout en incluant les acteurs de terrain souhaitant participer à la démarche, sans considérer les enjeux pouvant exister entre eux.

Par une présence régulière dans l’espace public du quartier du Curé Desclouds, nous avons multiplié les moyens de récolte d’informations, à tâtons, en adoptant une posture de facilitateur de la parole, afin de recueillir les avis, envies et besoins de la population. Dans notre pratique, nous nous sommes inspirés des courants de l’éducation populaire, de la théorie de Paolo Freire, des théories de sociologie pour ouvrir le champ des possibles et favoriser la participation, avec l’intention de nous adresser à toutes les tranches de la population.

Nous avons eu à cœur de présenter un travail de fin d’études reprenant nos démarches ainsi que les informations et paroles d’habitants. Pour cela, nous avons fait le choix de produire un manuel comprenant les propositions des habitants, les idées issues des gazettes du quartier (au demeurant récoltées et rédigées par la Maison de quartier de Thônex, dont l’auteur faisait alors partie) et des initiatives émanant d’une partie des acteurs terrain. Notre finalité était de restituer notre travail aux habitants ainsi qu’à la municipalité, seuls destinataires des propositions abordées dans ce «Petit manuel pour (re)découvrir le pouvoir d’agir».

Dans toute démarche participative, telle que nous la concevons, nous avons des outils à proposer pour faciliter la parole, la participation, mais nous ne savons jamais ce qu’il va en résulter. Nous pouvons seulement faire en sorte que l’accès aux propositions soit restitué au plus grand nombre, et ainsi sensibiliser les habitants au fait qu’ils sont plusieurs à avoir des envies communes. Libre à eux, ainsi qu’aux acteurs présents, de s’en saisir pour les développer s’ils le souhaitent.

La municipalité de Thônex a accueilli avec enthousiasme notre retour d’expérience, et des échanges avec celle-ci ont eu lieu pour envisager une suite de notre intervention. Nous avons ainsi déposé un projet, proposant de soutenir des initiatives soumises par les habitants, toujours dans la volonté d’inclure et de collaborer avec les acteurs sociaux du terrain.

Cette recontextualisation nous paraît importante afin d’éviter tout amalgame et ne fait l’objet d’aucune animosité. Nous ne pouvons qu’espérer qu’elle permette d’éclaircir le sens de notre démarche. Il semblerait qu’à travers cet article, l’auteur prend lui-même la posture d’expert qu’il nous appose dans ses écrits, nous expliquant comment nous devrions, ou aurions dû procéder.

Opinions Agora Collectif InterStices Socioculturel

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