Genève

Examens sous surveillance

Le rectorat de l’Université de Genève lâche du lest en renonçant à la possibilité d’enregistrer les examens passés à distance. Une victoire en demi-teinte pour le syndicat étudiant.
Examens sous surveillance
Dans un message adressé à la communauté universitaire le 21 décembre, Yves Flückiger, recteur de l’Université de Genève (Unige), annonce retirer l’enregistrement des images et des sons captés durant les examens en ligne via le logiciel de visioconférence Zoom. KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi
Université de Genève

Les étudiants remportent une bataille contre la surveillance numérique, mais la hache de guerre n’est pas enterrée. Dans un message adressé à la communauté universitaire le 21 décembre, Yves Flückiger, recteur de l’Université de Genève (Unige), annonce retirer l’enregistrement des images et des sons captés durant les examens en ligne via le logiciel de visioconférence Zoom. Il maintient en revanche la possibilité de filmer les évaluations en temps direct, à des fins d’identification des étudiants et de lutte contre la fraude. Pour la CUAE (Conférence universitaire des associations d’étudiants), c’est une demi-victoire: le syndicat demandait la suppression totale des outils de surveillance numérique pour la session d’examens à venir (notre édition du 10 décembre). Un vœu traduit en une motion validée par l’Assemblée de l’université, que le rectorat n’a que partiellement suivie.

Pourquoi tant de précautions alors que les dernières sessions d’examens, passées entièrement ou partiellement en ligne, n’ont pas fait l’objet d’une telle surveillance généralisée? «Les sessions de mai-juin et août-septembre suivaient un semestre de printemps 2020 aux conditions d’études difficiles. Ces sessions ont donc fait l’objet d’une bienveillance particulière, avec notamment en mai-juin des absences automatiquement excusées et des échecs ne comptant pas comme tentatives (lire ci-dessous). Le déploiement complet de l’enseignement à distance comme la durée de la crise sanitaire ne justifient pas le maintien de ce régime d’exception», explique le directeur de la communication de l’Unige, Marco Cattaneo. Un discours auquel n’adhère pas Pauline Emery, secrétaire syndicale de la CUAE, qui regrette «un dispositif disproportionné par rapport au risque de tricherie minime. Le fait d’être filmé engendre un stress réel pour les étudiants. Qu’est-ce qui sera interprété comme une possible fraude à travers un écran? Sortir du champ de vision pour ramasser un stylo? Une personne qui entrerait à l’improviste dans la pièce où l’étudiant passe son examen?»

L’annonce du rectorat est donc accueillie avec réserve: «Nous nous réjouissons que le point relatif à l’enregistrement par Zoom soit retiré, mais nous ne sommes pas dupes: cette concession du rectorat est un écran de fumée alors que ce dernier nous certifiait il y quelques semaines encore qu’aucun enseignant n’avait demandé à ce que son examen soit enregistré», constate Pauline Emery. Elle regrette qu’aucune alternative ne soit proposée aux étudiants qui ne souhaitent pas être filmés.

Nelson Amici en fait partie. L’étudiant en lettres a fait connaître à son décanat son opposition à la surveillance numérique et demandé à pouvoir passer son examen en présentiel – possibilité offerte aux personnes rencontrant des problèmes logistiques comme un mauvais accès internet ou un lieu de travail inadapté. Sa demande a été balayée «au motif que la surveillance était légale. Mais pour moi il s’agit avant tout d’une question de proportionnalité sachant qu’il existe d’autres solutions que la vidéo-surveillance généralisée», conteste l’étudiant.

Question de proportionnalité

Alexandre Flückiger, professeur en droit constitutionnel de l’Unige, s’est penché sur les aspects légaux de cette surveillance à distance: «Il faut toujours comparer les faits avec une situation classique d’examens en présence. Dans ce cas, on subit de fait une réelle observation avec d’importantes contraintes. Et il existe un intérêt public évident à éviter la fraude», contextualise-t-il. En retirant la possibilité d’enregistrer les examens, le professeur estime que le rectorat «va dans la bonne direction, même si l’on ne règle pas tout».

Des divergences subsistent notamment sur l’utilisation du logiciel TestWe, choisi par la Faculté d’économie et de management et approuvé par le rectorat. Ses possibilités dépassent largement celles de Zoom, en termes d’analyse des données biométriques notamment, et nécessitent le consentement des étudiants. Pour ceux qui refusent, une solution en présentiel est mise sur pied. Dans ce cas, la plateforme utilisée pour la passation de l’examen reste TestWe, mais «une surveillance humaine remplace les fonctionnalités désactivées de surveillance du logiciel», précise Marco Cattaneo.

«La question qui reste en suspens est celle de la proportionnalité: atteint-on vraiment le but avec ces instruments? N’y a-t-il pas d’autres solutions, comme adopter un format d’évaluation moins susceptible d’être détourné?», soulève Alexandre Flückiger. Lui-même n’a pas attendu les sessions à distance pour opter pour un examen à livre ouvert. Le rectorat assure vouloir mener une réflexion de fond avec l’ensemble des corps de l’université dès le printemps 2021. Mais elle «n’aura vraisemblablement pas abouti pour la session de mai-juin 2021», prévient le porte-parole.

Motion étudiante à Neuchâtel

Afin d’éviter des rassemblements importants, le rectorat de l’Université de Neuchâtel, comme la plupart des Hautes écoles romandes, a opté pour des examens à distance et sous vidéoconférence. Mais alors qu’en juin l’institution autorisait une nouvelle tentative en cas d’échec, cette fois-ci, le règlement habituel s’appliquera.

Si la note obtenue est insuffisante lors des sessions qui ont lieu du 11 janvier au 6 février, les étudiants ne pourront donc pas retenter leurs chances. Cette clause n’est pas du goût de la Fédération des étudiants neuchâtelois (FEN) qui a lancé mercredi une motion d’urgence. «La situation ne s’est pas améliorée depuis juin. Dans certains cas, elle s’est même péjorée, l’état de fatigue, de stress liée à la situation sanitaire est plus élevé pour beaucoup», déplore Romain Dubois, vice-président de la FEN et député suppléant socialiste au Grand Conseil neuchâtelois.

Outre le droit à une seconde tentative, la FEN demande que la vidéosurveillance soit abandonnée pour les prochaines sessions. Six permanences sont organisées la semaine prochaine afin de récolter les cent paraphes nécessaires. «Nous avons une semaine, c’est très court dans ce contexte sanitaire. Il faut ensuite que les communes valident les signatures avant de les déposer à la Chancellerie cantonale», explique le vice-président de la FEN.

Si la motion est déposée dans les délais, le Grand Conseil pourrait l’examiner lors de sa prochaine session, les 26 et 27 janvier prochain. «Même si la session d’examen arrivera à sa fin, l’université aura toujours la possibilité de proposer une tentative supplémentaire. Nous demandons simplement les mêmes conditions qu’en juin, ce n’est pas vraiment révolutionnaire», ajoute Romain Dubois.

Alors que le Grand Conseil a accepté le 2 décembre une motion demandant l’introduction d’un dispositif d’aide complémentaire urgente aux soutiens existants pour les étudiants neuchâtelois, ceux-ci n’en ont pas encore vu la couleur. «Nous souhaitions que les premières aides tombent avant Noël, or nous n’avons encore reçu aucune information», déplore le vice-président de la FEN.  JULIE JEANNET

Régions Genève Maude Jaquet Université de Genève

Connexion