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«Un nouveau déclassement offrirait un très mauvais signal»

Il y a d’autres voies à explorer qu’un ­déclassement de terrain agricole à l’heure de la transition écologique, selon Alfonso Gomez. Le conseiller administratif en Ville de Genève encourage à dire «non» à la création d’une zone industrielle à Avusy, même affectée à des activités de recyclage. Les Genevois-es se prononceront ce ­dimanche sur la question.
Genève

Le 29 novembre, les Genevois-es seront appelé-e-s à se prononcer sur la création d’une zone industrielle à Avusy, en pleine campagne genevoise, afin de régulariser les activités d’une entreprise active dans le recyclage de matériaux issus de chantiers. Depuis 1998, cette entreprise exerce en effet une activité industrielle sur une zone agricole, sans autorisation.

Les raisons de rejeter ce déclassement de 2,5 hectares de terrain agricole sont nombreuses. La première est bien sûr que, année après année, Genève voit sa zone agricole diminuer, avec un impact préoccupant sur les surfaces cultivables disponibles et le maintien de la biodiversité. A l’heure où nous devons mobiliser toutes nos forces pour la transition écologique, ce nouveau déclassement offrirait un très mauvais signal. Il serait d’autant plus incompréhensible que la localisation de cette entreprise se traduit par 30’000 trajets de camionnage à travers la campagne genevoise, alors qu’il existe à Genève d’autres entreprises de recyclage qui exercent leur activité en zone industrielle.

Le réemploi et la réutilisation de matériaux doivent être encouragés. S’il ne fait aucun doute que ce terrain, qui appartient à l’agriculture, doit lui être rendu, cette votation nous offre aussi l’occasion de questionner nos pratiques en matière de construction et de traitement des déchets de chantier. Rappelons à ce titre que ces derniers représentent à Genève 70% des déchets ordinaires produits, soit environ 4.6 millions tonnes par année. Nous pouvons, et nous devons, mieux faire.

En parallèle et si le recyclage doit bien sûr être encouragé, il est fondamental d’explorer d’autres voies. En Suisse, le réemploi1>Toute opération par laquelle des substances, matières ou produits sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus. de matériaux, directement sur le chantier «source», reste ainsi un secteur largement inexploité, alors que la masse des éléments de construction susceptibles de réemploi (gravats, pierres, fenêtres en verre, lames de parquets, parpaings, toits, etc.) est importante. Contrairement au recyclage, le réemploi n’exige pas de transformation de la matière. En appliquant ici le principe de l’économie circulaire, on passe d’une logique de déchets à une logique de ressources, avec à la clé moins d’émissions de CO2 pour transformer, transporter et mettre en œuvre la matière. La réutilisation2>Toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau. des matériaux est une autre voie à suivre. Cela concerne notamment les matériaux d’excavation, qui constituent trois quarts de ces déchets et qui sont pour l’essentiel (80%) non pollués. Alors même qu’ils constituent un matériau précieux à partir duquel on peut bâtir (granulat à béton, mortier, matériaux bitumineux, terre crue, etc.), ces matériaux sont exportés à 60% en France par camion et stockés en décharge.

Une utilisation encore trop marginale des matériaux alternatifs. Enfin, évidemment, il est essentiel en amont des constructions de privilégier des matériaux alternatifs (bois, chanvre, etc.), des matériaux dont l’utilisation est actuellement si marginale qu’elle n’est pas recensée dans les statistiques. Pour prendre un exemple bien connu des Genevois-es, l’Opéra des Nations, l’un des plus grands chantiers en bois de Suisse, récupéré après une première utilisation à Paris, a pourtant clairement démontré le potentiel de ce type de constructions.

Aujourd’hui, face à l’urgence climatique, il est ­indispensable de penser de nouveaux modèles, de sortir des schémas traditionnels et de s’engager très concrètement en faveur d’une gestion durable des ressources naturelles et des matières premières.

Notes[+]

Notre invité est conseiller administratif en charge du Département des finances, de l’environnement et du logement, Ville de Genève.

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