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Colère contre le couvre-feu portugais

Premier week-end avec le couvre-feu dès 13 h. Restaurateurs et commerçants disent leur ras-le-bol.
Colère contre le couvre-feu portugais
epa08820080 Hospitality workers during a protest demanding support during the coronavirus crisis in Lisbon, Portugal, 14 November 2020. EPA/RODRIGO ANTUNES
Portugal

Marvila. Ce quartier d’entrepôts et de hangars, à l’est de Lisbonne, fait l’objet de projets de rénovation pour y accueillir des start-up et des centres créatifs. Son aspect semi industriel et décati en a fait un lieu branché qui accueille des restaurants à la mode. Mais avec le Covid-19, l’activité est au point mort.

La pizzeria Refeitório do Sr Abel résiste encore. «Mais pour combien de temps?», s’interroge le patron Roberto Mezzepelle. «Je fais travailler 14 personnes. J’ai tenu avec le chômage partiel aidé. Mais c’est terminé. Je ne sais pas comment on va s’en sortir.» Cet Italien installé au Portugal depuis de nombreuses années vient tout juste de décider d’ouvrir le dimanche soir et de s’associer à un musicien pour étoffer l’offre. Mauvais timing: le couvre-feu les samedis et dimanches de 13h à 5h du matin décrété il y a une semaine par le gouvernement est entré en vigueur ce week-end…

Manif des restaurateurs

Près de 70% de la population est ainsi mise sous bulle au Portugal depuis samedi. La semaine prochaine, 80% seront concernés. Cette décision a provoqué des remous. Face à des consignes mal expliquées voire contradictoires et des exceptions trop larges, la grande distribution a tenté d’élargir les horaires d’ouverture du matin, un secteur qui peut encore ouvrir le week-end dès 8h. De quoi provoquer colère des commerçants et restaurateurs: ils étaient des centaines de personnes à manifester samedi au centre de Lisonne, criant leur désespoir et réclamant un vrai soutien de la part de l’Etat.

Pour João, patron du petit restaurant «Chez João» à Graça, au centre de Lisbonne, c’est inacceptable. «Samedi, un gros jour pour moi, je ne peux pas ouvrir et les supermarchés pourraient? On y trouve à manger, c’est la cohue. Si c’est pour limiter la propagation du virus, c’est raté», dit-il. Il a préféré fermer. Toujours à Graça, Julia vient de faire la vitrine de Noël de sa petite boutique de cadeaux typiques, de linge de maison et de décorations. «C’est une catastrophe», déplore-t-elle. «Je réalise 50 % de mon chiffre d’affaire à cette saison. Fermer le week-end c’est me priver de mes clients. J’ai peur.»

Situation alarmante

À la surprise générale, le premier ministre Antonio Costa assumé la responsabilité du chaos. «C’est de ma faute. Assurément le messager n’a pas su transmettre le message», a-t-il reconnu la semaine passée. Dans un message vidéo diffusé samedi matin, il a averti que «ce sera très dur pour tous.» Selon lui, «l’évolution de la situation de la pandémie est vraiment très grave». Le premier ministre a décrété le couvre-feu également en semaine dès 22 h 30.

Par ailleurs, l’état d’urgence est étendu à 77 nouvelles municipalités, présentant un «risque aggravé» de contamination, qui viennent s’ajouter aux 121 déjà concernées. Soit 8 millions de Portugais environ sur une population totale de 10,3 millions d’habitants. Ces municipalités atteignent les 240 cas positifs pour 100 000 habitants. Hier, près de 6035 tests positifs par jour – contre 2000 début octobre – , ont été recensés, de même que 76 décès sur 24 heures (plus de 3300 au total). Les hôpitaux sont sur le point d’atteindre la saturation.

Les Portugais font le dos rond une fois de plus. «Le week-end c’est d’habitude le temps de la famille», glisse Carla Baptista professeure universitaire. «Nous n’allons pas pouvoir emmener nos adolescents faire du surf et visiter une exposition que nous avions prévue de voir.» La douceur de vivre portugaise va être mise entre parenthèses. «C’est pour notre bien à tous», reconnait Julia, résignée.

International Marie-Line Darcy Portugal

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