Suisse

Des milliards placés dans les armes

Banques et assurances investissent dans les fabricants de matériel de guerre. De manière marginale.
Des milliards placés dans les armes
(legende)Parmi les entreprises d’armement qui bénéficient d’investissements financiers suisses, Lockheed Martin, qui fabrique le F-35, candidat pour devenir le prochain jet de l’armée suisse . DR
Votations fédérales

La Suisse investit des milliards de francs dans l’industrie de l’armement. Mais la part de cette dernière reste très secondaire en comparaison des investissements totaux effectués par les banques, les assurances, la Banque nationale, les fonds de placement et tous les autres innombrables véhicules d’investissement, selon les chiffres disponibles.

«Les banques suisses investissent activement dans le matériel de guerre, mais elles ne sont pas les plus importantes dans ce domaine. La présence des banques américaines est bien plus importante. Celle d’établissements européens également», indique Barbara Kueper, chercheuse senior chez Profundo, à Amsterdam.

Selon cette entreprise néerlandaise spécialisée dans la recherche financière axée sur le développement durable, UBS, Credit Suisse et la Banque nationale suisse (BNS) ont investi 8,9 milliards de dollars (8,2 milliards de francs) dans 32 des 43 plus grandes entreprises d’armement au monde. Celles-ci sont principalement américaines: Lockheed Martin, Raytheon, Honeywell pour ne prendre que les plus grandes. Mais on y trouve aussi des européennes, comme l’allemande Rheinmetall ou la française Thales, voire des entreprises chinoises et indiennes.

La majorité de ces placements s’est faite par des achats d’actions, le solde étant placé en obligations. Ces trois établissements ont placé 82% des avoirs investis par les banques suisses dans ces sociétés d’armement. Leurs placements correspondent à 1,4% des flux financiers totaux dont ces entreprises ont bénéficié, détaille-t-elle dans un rapport tout récent.

UBS devant la BNS

Ce chiffre de 8,9 milliards de dollars a aussi été identifié en 2019 par l’ICAN (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons), une ONG basée à Genève récipiendaire du Prix Nobel de la paix en 2017. Il est de 87% plus élevé que le chiffre de 2018 (4,8 milliards) selon son rapport.

Dans le détail, le plus grand investisseur est UBS, suivie de Credit Suisse, puis de la BNS. La première, selon les chiffres de Profundo, a placé 5,5 milliards de dollars, essentiellement dans des actions. La grande banque est suivie d’assez loin par la BNS, qui détient dans son portefeuille pour 1,9 milliard en actions exclusivement, selon Profundo. Credit Suisse, avec 1,3 milliard investi surtout en actions, arrive loin derrière.

Ces chiffres s’approchent de ceux qui sont publiés par la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain sur la base d’annonces obligatoires que doivent lui remettre les investisseurs institutionnels à chaque achat ou vente d’actions ou d’instruments dérivés de sociétés cotées américaines.

Banques cantonales aussi

Selon ces chiffres, compilés par La Liberté, UBS détenait fin juin dernier des placements totalisant 2,1 milliards de dollars dans les cinq plus grands fabricants d’armes américains. Dont près de la moitié (912 mio) auprès du seul Lockheed Martin, le fabricant des jets F-35 et des hélicoptères Black Hawk.

La BNS, avec 903 millions de dollars placés chez Boeing, Raytheon et General Dynamics est suivie par Credit Suisse, avec 220 mio investis auprès de ces mêmes sociétés.

D’autres institutions suisses sont aussi engagées financièrement dans ces entreprises, selon les données de la SEC. Ainsi, les banques privées Pictet et Julius Baer ont investi respectivement 1,7 et 30,2 millions de dollars dans certains des cinq plus grands fabricants d’armes. C’est comparable aux placements de deux banques cantonales: celle de Zurich (ZKB), avec 42,5 mio, et la vaudoise (BCV), avec 3,8 mio. L’on y trouve aussi les placements des compagnies d’assurances AXA (59,9 mio) et Zurich Investment Services (2,3 mio).

Une partie des investissements reste néanmoins dans l’ombre, ainsi que le reconnaît Barbara Kueper: «Les placements privés ainsi que ceux qui sont effectués dans des entreprises non cotées échappent au regard public», concède-t-elle. Il en est de même pour les entreprises basées dans des pays n’affichant pas la même transparence boursière que les Etats-Unis.

Malgré la hauteur des chiffres, l’armement n’a qu’une part très modeste des investissements des acteurs financiers suisses. Ces derniers, en tout, gèrent une fortune privée de quelque 7800 milliards de francs. Les quelque 8,2 milliards placés dans l’armement identifiés par Profundo et l’ICAN ne représentent ainsi que 0,1% du total. LA LIBERTÉ

L’industrie de l’armement est marginale en suisse

L’industrie suisse du matériel de guerre occupe une place marginale dans l’économie du pays. Les exportations de matériel de guerre ont atteint 728 millions de francs l’an dernier, selon le SECO (Secrétariat d’Etat à l’économie), soit 0,23% des exportations totales, qui se sont élevées à 312 milliards de francs, selon l’Administration fédérale des douanes. Et pourtant, 2019 a été l’une des années où les exportations de matériel de guerre ont été les plus importantes de ces trois dernières décennies.

Des chiffres détaillés pour 2017, établis par le SECO et publiés en juillet dernier par la WochenZeitung après une longue bataille juridique, confirment la modestie de ce secteur. Les exportations pour cette année-là ont été le fait de 26 entreprises, dont six en Suisse romande, pour un total de 447 millions de francs.

Sans surprise, les deux acteurs les plus importants ont été Pilatus (203 mio) et RUAG (100 mio), suivis d’une entité du groupe américain DuPont (75 mio). Suivent encore deux sociétés chaux-de-fonnières, Comelec SA et Faulhaber, pour une poignée de millions. Les 16 autres sociétés ont exporté pour moins d’un million de francs chacune cette année-là, essentiellement des fournitures de sous-traitance. YG

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