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A New York, c’est jour de fête

Après avoir célébré sa victoire sur Donald Trump, Joe Biden prépare son accession à la Maison-Blanche. Avec deux priorités pour la transition: la lutte contre la pandémie et la réconciliation d’un pays divisé.
A New York, C’est jour de fête
A New York,, c'était jour de fête. Keystone
États-Unis

En ce dimanche aux températures estivales, New York est étrangement calme. Seules quelques bouteilles de champagne vides témoignent de l’incroyable liesse qui s’est emparée, la veille, de cette ville et d’autres bastions démocrates des Etats-Unis. Une joie immense, une émotion intense, qui étaient parties d’un murmure, relayé par quelques timides applaudissements peu avant midi sur la côte est: Joe Biden et sa colistière Kamala Harris sont élus. Alors que les médias majeurs, Fox News y compris, relayaient les projections de CNN, le murmure a rapidement grandi pour se mêler bruyamment au son des casseroles, des cloches et des klaxons. A New York, la ville natale de Donald Trump, c’était jour de fête.

Retour sur ce samedi pas comme les autres. Sur la Myrtle Avenue, à Brooklyn, les gens dansent, chantent, applaudissent. Sur le perron d’un immeuble, une jeune femme prostrée laisse parler ses larmes. La tension est trop forte. «C’est un jour très spécial», explique plus loin une mère à son jeune enfant, qui ne comprend pas très bien cette énorme agitation. Du jamais-vu pour de nombreux New-Yorkais.

Sur la Dekalb, une avenue parallèle, une foule immense s’est spontanément massée au carrefour donnant sur le Fort Greene Park. On s’est gardé de s’enlacer. On a conservé son masque. Mais la distanciation sociale a volé en éclats. Le champagne coule à flots, alors que les gens chantent Good Bye. On entonne le même refrain du côté de Manhattan, à Washington Square notamment, où la fête s’est prolongée dans la nuit. Rarement le parc n’avait été aussi envahi. «Ça, c’est New York!» glisse un policier. A l’autre bout du pays, le correspondant à Los Angeles du New York Times émet cette remarque: «Les célébrations de rue rappellent l’élection d’Obama en 2008. Mais c’était la célébration d’Obama. Aujourd’hui, cela semble (sans rien enlever à Biden) être la célébration de l’éviction de Trump.»

Une participation record

Steve Kraus, 60 ans, un habitant de Brooklyn, confirme cet avis. Il préférait de loin Bernie Sanders à Joe Biden. L’essentiel pour lui, c’est que l’actuel locataire de la Maison-Blanche s’en aille. «Mais il faudra peut-être beaucoup d’efforts pour le faire sortir… L’ironie, c’est qu’il a toujours présenté chaque situation sous l’angle d’un gagnant ou d’un perdant. Maintenant qu’il se retrouve dans le camp du loser, il ne l’admet pas.»

Mais Donald Trump reste dans son droit de ne pas reconnaître sa défaite. D’autant qu’il a raflé 70 millions de voix, un record pour un président en exercice a-t-il tweeté. Tout comme les 74,5 millions de suffrages recueillis par le candidat à la présidentielle Joe Biden. La participation, près de 66%, explique ces records. Si elle a été encouragée par les mesures prises dans le cadre de la pandémie (un plus grand accès au vote anticipé), «la participation est aussi déterminée par l’importance perçue de l’élection», relève Lauren Mattioli, professeure de sciences politiques à la Boston University. «Plus les enjeux sont importants, plus le taux de participation est élevé. Et les Etats-Unis ont enregistré un taux de participation record cette année.»

Les Américains ont donc voté en masse, mais en deux blocs extrêmement opposés. Ce week-end, les supporters de Trump n’ont visiblement pas fait d’esclandre. Mais certains se sont rendus dans des bureaux de vote pour tenter de faire stopper les comptages. A l’instar du président, ils crient à la fraude. D’autres demandent un recomptage. Comme Julie Gubbins, une supportrice du républicain établie à Utica, Etat de New York: «Je ne crois pas, et je pense que personne ne peut croire que Joe Biden a recueilli autant de voix», a-t-elle lancé sur des chaînes locales.

Du pain sur la planche

Joe Biden et sa vice-présidente Kamala Harris auront donc fort à faire pour diriger cette Amérique profondément divisée, d’autant que le Sénat n’est pas encore acquis aux démocrates. Mais il l’a rappelé samedi lors de son discours à la nation qu’il entendait en faire son objectif principal: «Je serai un président qui rassemble et non qui divise.» Une tâche impossible? «ça va être dur. Mais… Je ne sais pas. En fait, je préfère ne pas te dire ce que j’attends de lui. C’est trop tôt, beaucoup trop tôt», confie Ethan, un jeune homme croisé hier à Brooklyn, et chez qui l’euphorie de la veille semble déjà passée.

Autre tâche importante qui attend Joe Biden: ramener une justice sociale auprès d’une communauté noire qui a exprimé son exaspération tout au long de l’été. Là encore, lors de son discours, Joe Biden a déclaré qu’il entendait bien rendre à cette communauté le soutien qu’elle lui a apporté durant cette élection. Enfin, et ce sera le premier des grands travaux auxquels il va s’attaquer, la pandémie. Joe Biden a annoncé la mise sur pied, dès aujourd’hui, d’une cellule de crise. Les Etats-Unis enregistrent plus de 237 000 décès liés au virus et un nombre total de personnes à avoir été contaminées de bientôt dix millions. La task force de Joe Biden, qui sera composée d’une douzaine d’experts, devra travailler sur un plan d’action qui sera appliqué dès le jour de l’investiture, le 20 janvier. En créant ce groupe de scientifiques, Biden entend également affirmer son intention de ramener l’attention du pays sur le virus.

Pendant ce temps-là à Washington, la First Lady Melania Trump aurait rejoint les membres du cercle rapproché recommandant à Donald Trump d’accepter sa défaite, a avancé hier CNN. Un peu plus tôt dans la journée, ce serait le gendre du président Jared Kushner qui aurait donné le même conseil.

(legende)A l’annonce de la défaite de Donald Trump, une incroyable liesse s’est emparée de nombreux bastions démocrates aux Etats-Unis tels que New York ou, ici, Washington. Keystone

Les faits du jour

Trump conteste » Trump conteste Le camp républicain, à l’instar du président sortant, refuse de concéder la défaite. Arguant de «fraudes» électorales sans fournir de preuves, Donald Trump promet de multiplier les actions en justice. Mais leurs chances d’aboutir sont bien minces et les démocrates, qui ont laissé éclater leur joie dans les grandes villes, en font peu de cas.

Iran » L’élection de Joe Biden est pour les Etats-Unis «une occasion de se rattraper après les erreurs passées et de revenir sur la voie de l’adhésion aux engagements internationaux et au respect du droit international», a déclaré le président iranien Hassan Rohani, selon un communiqué officiel.

Palestine » Le président palestinien Mahmoud Abbas a exprimé sa «hâte de travailler avec le président élu Joe Biden et son administration pour renforcer les relations afin de garantir la liberté, l’indépendance, la justice et la dignité du peuple palestinien».

Suisse » La présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga a félicité Joe Biden et Kamala Harris. Elle s’est dite confiante que les deux pays pourront développer la coopération au niveau multilatéral, notamment en matière de promotion de la paix, des droits de l’homme et de la protection du climat.

Union européenne » La cheffe de la Commission européenne Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen Charles Michel ont félicité Joe Biden, insistant sur la volonté de l’UE de rebâtir avec les Etats-Unis un «partenariat solide» après une relation conflictuelle sous le mandat de Donald Trump. ATS/AFP

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