Pas de vague bleue
La démocratie étasunienne en panne. Mercredi, à l’heure où nous mettions sous presse, les urnes n’avaient toujours pas rendu leur verdict quant à savoir qui de Donald Trump ou Joe Biden l’avait emporté. Les deux candidats sont dans un mouchoir de poche.
Techniquement, Joe Biden peut gagner si les tendances actuelles se confirment, à savoir qu’après le Wisconsin, le Michigan et le Nevada tombent dans son escarcelle. Sur le papier, pour l’heure, la minuscule avance de l’ancien vice-président l’amènerait à emporter 270 grands électeurs (soit la majorité de 50% + 1 voix!) Bref, les sondages se sont une nouvelle fois trompés, eux qui tablaient sur un rejet plus massif de Donald Trump et un écart de plusieurs points. Le président sortant a d’ailleurs annoncé une guérilla juridique qui risque de retarder de plusieurs jours les résultats définitifs.
Plusieurs pistes peuvent être avancées pour expliquer ce mauvais score des démocrates qui n’ont pas pu tabler sur un rejet massif du républicain en raison de sa gestion criminelle de la crise du Covid-19, ou par l’électorat féminin. Visiblement, la vulgarité misogyne du milliardaire n’a pas rebuté sa base républicaine. On relèvera que cela se retrouve au niveau des élections aux deux Chambres qui ne voient pas d’évolution marquante – pour l’heure, deux sièges sont même perdus à la chambre des représentants–, comme l’espéraient pourtant d’aucuns.
Dans ce désamour des démocrates, incluons sans doute une partie des jeunes qui, on les comprend, n’ont guère été enthousiasmés par un Joe Biden au profil très centriste et qui n’a eu de cesse de dire son soutien au gaz de schiste dont on sait les ravages climatiques. Le Parti démocrate reste identifié à un discours néolibéral qu’il n’a d’ailleurs pas renié. Une politique qui a ravagé sa base traditionnelle, les travailleurs de la Rust Belt. Un peu comme le Parti socialiste en France qui a implosé pour avoir mené une politique économique tout droit sortie de l’école de Chicago et dont on connaît pourtant les effets délétères et antisociaux pour les classes modestes.
Quel que soit le verdict final, on constate que l’élection il y a quatre ans de Donald Trump n’était pas un accident de l’histoire. Elle s’inscrit dans une tendance de fond qu’il convient de bien analyser et d’intégrer. Notamment la révolution copernicienne de la démocratie à l’âge d’internet, la fragmentation des groupes sociaux, l’individualisme que cela entraîne. Cette lame de fond va bientôt –certains phénomènes sociaux ou politiques débarquent souvent d’outre-Atlantique avec un décalage de dix ans – déployer ses effets délétères en Suisse aussi. C’est d’ailleurs déjà le cas dans plusieurs pays voisins, comme la Grande- Bretagne, l’Italie ou l’Espagne, sans parler de l’Amérique latine. Préparons-nous à y résister.