L’économie qui murmure à l’oreille du Conseil fédéral
Le Conseil fédéral a annoncé mercredi un nouveau train de mesures pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Il était temps, les sonnettes agitées par le personnel soignant qui sentait la pression monter devenaient assourdissantes. A l’heure du bilan, il conviendra d’examiner si nos autorités n’ont pas par trop tergiversé.
A leur décharge, admettons que les pressions étaient fortes pour ce faire. La population était sortie K.O. debout du premier semi-confinement, l’idée de repartir pour un second tour était pour le moins mal accueillie. On peut le comprendre. Et les critiques – parfois à la limite du déni – du monde économique se sont faites insistantes.
Logiquement, cela se ressent fortement lorsqu’on examine le train de mesures mis en place dès ce jeudi et dont on peut questionner la durabilité. Pas question d’enrayer une seconde fois la machine économique. Les écoles restent ouvertes (à part l’université où le télé-enseignement sera généralisé). Tant mieux pour les jeunes, dont un nombre certain était parti en déshérence ce printemps. Mais on sent bien qu’il s’agit surtout d’éviter de bloquer trop de travailleuses et de travailleurs à des tâches non marchandes.
Cela se retrouve au niveau des entreprises. Le présentiel restera largement la norme, même si dans des cas de trop forte promiscuité le masque devient obligatoire. Mais qui contrôlera cela? Cet angle mort n’a pas été éclairé jeudi. Et pour cause. On a vu ce printemps que des occupations de chantiers aux conditions de travail déplorables ont été nécessaires pour qu’un peu de bon sens soit imposé au patronat.
Deuxième grand absent dans le plan de mesures présenté jeudi: les salaires et l’emploi. On a vu moult entreprises largement user des RHT (réduction des horaires de travail), pour ensuite licencier dans la foulée, tout en versant de coquets dividendes à leurs actionnaires! Là aussi, le silence sur cette piraterie économique est assourdissant.
Enfin, on peut s’étonner, même si l’UDC nous a habitués à toutes les provocations (mais le PLR n’était guère en reste mercredi), des attaques contre les mouvements sociaux qui entendent défendre leurs droits et qui sont qualifiés «de sans-gêne». Rien qu’au bout du lac, après avoir applaudi le personnel soignant (ça ne mange pas de foin, comme dit l’adage), l’exécutif cantonal a cru bon de taper dans leur porte-monnaie.
A ces soutiers du social, on ne peut pourtant que reconnaître la légitimité de leur droit à se défendre, et ils le feront ce jeudi notamment. Manifestement, s’ils ne prennent pas leur destin en main, personne ne le fera pour eux.