Solidaire et reconnaissant
Pendant combien de siècles entendra-t-on l’éternel refrain nous susurrant que les travailleurs de la fonction publique sont des privilégiés. De deux choses, l’une: soit il y a de la jalousie là-derrière, soit de l’ignorance inquiétante de ce qu’est la réalité et la diversité de ces emplois-là. La cible visée est toujours la même: les enseignants. Il ne faudra pas s’étonner si nos enfants finissent par n’avoir aucun respect envers leurs enseignants, car il y a fort à parier qu’ils entendent tous les soirs leur père – plus rarement leur mère – dire tout le mal qu’ils pensent de ces professionnels-là. En général sans aucune connaissance réelle de ce qu’est ce travail, même si certains disent avoir travaillé au DIP (ce qui ne signifie pas forcément avoir enseigné…).
Il est à remarquer que le semi-confinement que nous avons vécu est déjà totalement oublié: oublié le constat que c’est très difficile de scolariser son enfant… Oublié par bien des pères, en tout cas, car c’est en général les mères qui trouvaient le temps de le faire, ceci en plus du travail professionnel et du travail ménager.
Travail privilégié, que la fonction publique? Ah oui, quel beau privilège que d’être nettoyeur à l’hôpital, quel beau privilège que de faire la toilette de patients, quel beau privilège que de se faire régulièrement enguirlander au volant d’un trolleybus, quel beau privilège que de ramasser les ordures souvent tout sauf ragoûtantes, quel beau privilège que de tenter d’accompagner des personnes en détresse sociale… Ici aussi, nous constatons de gros troubles de mémoire, aussi bien de la part du «Genevois râleur professionnel» que de la part de notre brave gouvernement. Oublié les applaudissements du soir. Oublié les promesses de ne pas oublier les personnes qui font beaucoup de travaux que nos râleurs ne voudront jamais faire.
Et non seulement on oublie les promesses, mais on leur baisse à tous les salaires. Précisons qu’il ne s’agit pas seulement de 1%, mais aussi du blocage de l’indexation des salaires et de ne verser qu’une annuité tous les deux ans, sans oublier – pour une fois! – qu’on va leur demander dans le même temps de cotiser plus pour leur deuxième pilier tout en sachant qu’ils recevront moins. C’est plutôt 5%, voire plus, de diminution de salaire.
Nous avons fini par accepter la RFFA, grâce au chantage à l’AVS, après avoir repoussé RIE I, II et III. On commence déjà à payer cette erreur. Pertes sèches pour l’Etat.
Je tiens à préciser que je ne suis pas fonctionnaire, mais solidaire et reconnaissant pour tout leur travail au service de la population. Et je leur dis merci, grand merci.
Jean-Daniel Robert,
écrivain, Genève