Soutenir la loi CO2 malgré ses lacunes
Climatologue, je juge sévèrement cette loi depuis juin dernier, dépitée d’en constater les lacunes. Une loi est toujours, dans un système démocratique, le résultat d’une succession de compromis.
Avec la répartition actuelle des forces politiques, il n’a pas été possible de faire pencher davantage le résultat final de ce long processus d’élaboration (dépôt en 2017 pour une entrée en vigueur en 2022) en faveur de mesures plus ambitieuses. Insatisfaite sur plusieurs points, je me retrouve pourtant aujourd’hui à vous exhorter, chère lectrice et cher lecteur, à soutenir cet assemblage sans hésitation. Pourquoi?
L’urgence de la situation nous contraint à adopter au plus vite tout ce qui apporte des réponses qui font sens. La loi en elle-même suffira-t-elle? Non, bien sûr, mais elle permettra d’initier toute une série de mécanismes très souhaitables qui, eux, nous permettront d’aller dans la bonne direction. Et cela, ça fait du sens! Voici les avancées les plus significatives à mes yeux de la révision de la loi:
• avec une taxe maximale de 210 francs par tonne de CO2, la Suisse sera parmi les pays les plus avancés en matière de taxe sur les combustibles. Le potentiel de réduction des émissions qu’elle peut engendrer dans ce secteur est considérable;
• pour la première fois, les émissions provenant du trafic aérien seront prises en compte. Parallèlement, on va soutenir le réseau des trains de nuit comme alternative aux vols à courte distance;
• le mécanisme redistributif est un des points forts de la loi. La taxe CO2 fonctionne comme un système bonus-malus qui incite à faire des choix favorables pour la société et l’environnement. Le fait que le revenu de la taxe soit redistribué par tête génère un revenu supplémentaire à chacun de nous mais ce sont les ménages les moins aisés qui en profiteront relativement le plus;
• les revenus qui ne sont pas directement redistribués à la population vont dans le nouveau «Fonds pour le climat» qui pourra constituer la base juridique pour la transition de notre système économique vers une économie «verte». Il deviendra l’instrument qui stimule les investissements nécessaires en énergies renouvelables, en transports durables, pour les mesures d’adaptation, de formation, d’agriculture durable, etc.;• enfin, inscrire clairement nos objectifs de réduction pour 2030 dans une base légale fédérale permettra également aux cantons et aux communes de s’y appuyer pour justifier leurs propres mesures en faveur du climat.
Nous devons maintenant avancer au plus vite dans un esprit constructif. Et il reste énormément à faire, en particulier dans le secteur des transports et des finances. Face au refus de l’UDC de considérer l’urgence climatique, toutes les personnes de bonne volonté qui veulent absolument répondre à cette urgence doivent s’allier et non se diviser. S’il est intellectuellement et scientifiquement incorrect de penser que la loi, à elle seule, nous permettra d’atteindre cet objectif, il est encore plus douteux de penser que d’empêcher sa mise en vigueur dès 2022 nous ferait gagner du temps pour agir efficacement avant 2030.
Serait-il possible d’obtenir une meilleure mouture en repartant de zéro? Outre le fait que cela reporterait la révision de la loi de plusieurs années encore, rien n’est moins sûr. Avons-nous besoin d’une réforme en profondeur de notre système institutionnel et socio-économique pour répondre à l’urgence écologique? Sans doute. Cela pourra se faire progressivement au fur à mesure que les consciences évoluent, alors que les mécanismes initiés par la révision de la loi agiront simultanément dès 2022, à condition bien sûr que la majorité de la population la soutienne.
Valentine Python est conseillère nationale, les Verts/VD.