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Résister ou disparaître

Face aux dérèglements climatiques et à l’aggravation de la pénurie de ressources, l’humanité est confrontée à un choix existentiel: résister ou disparaître. Selon Sara Gnoni et Dominique Bourg, «il est temps de lutter contre les systèmes oppressifs et les velléités masculinistes qui menacent notre avenir».
Climat

Relance du charbon «beau et propre», abandon des politiques de diversité, et d’inclusion, déportation d’étudiants, fonds coupés pour la recherche, censure de mots aussi banals que climat, femme ou handicap, accueil d’un criminel de guerre avec un mandat d’arrêt international, assouplissement des législations sur les produits chimiques persistants, remise en question de faits scientifiques… Ce ne sont quelques-unes des actions survenues en «terre des hommes libres et braves» qui, en l’espace de trois mois, ont su instaurer un régime autoritaire et anéantir les progrès environnementaux, et même sociaux, des dernières cinq décennies, déjà largement insuffisants.

Ces décisions graves ne semblent pas ici alerter la majorité de la population. Pire, certain·es s’en inspirent même pour nos politiques locales, pour proposer des retours en arrière sur des sujets où nous devons avancer de toute urgence. Notamment, les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter et, partant, les effets du dérèglement s’intensifient et doubleront avec les premières années à plus de 2° C dès la décennie 2040. Il est parfois difficile d’appréhender comment les enjeux sociaux et environnementaux sont profondément interconnectés, les uns entraînant les autres: le chaos d’un monde qui se dirige vers +2° C, et au-delà, créera encore plus d’injustices, de guerres et de concurrence pour des ressources vitales que nous ne l’avons aujourd’hui.

Le chaos présent serait déjà impossible sans la conscience des pénuries à venir de terres rares et autres. Si la parole des scientifiques n’est plus écoutée, tendez l’oreille vers Günther Thallinger, membre du conseil d’administration d’Allianz. Dans un article, il affirme que les dommages seront si importants que les compagnies d’assurances arrêteront de couvrir les risques dans certaines régions, ce qu’elles ont déjà commencé à faire. Les gouvernements ne seront pas en mesure de fournir des plans de sauvetage financiers et il sera impossible de s’adapter aux nombreux événements climatiques qui se multiplieront. Le capitalisme tel qu’on le connaît cessera d’exister.

Les peuples et communautés marginalisées sont souvent les premières victimes de la dérive climatique, alors que l’accaparement de ressources s’accompagne de violences politiques. Par ailleurs, l’abandon des politiques de diversité et inclusion renforce les systèmes de domination qui perpétuent encore les inégalités sociales et économiques. Ces actions ne sont pas seulement moralement répréhensibles, elles sont contre-productives car elles empêchent une diversité de points de vue et notre capacité à collaborer et à résoudre les problèmes complexes auxquels nous devons faire face.

Notre devoir moral. Face à cette fronde envers les droits humains les plus fondamentaux, y compris notre droit à la vie dans un monde habitable, il est de notre devoir moral – tant à titre personnel qu’aux travers d’organisations – de dénoncer les injustices environnementales et sociales et de promouvoir de nouveaux récits. C’est là le privilège des sociétés n’ayant pas encore sombré dans la dictature ou la guerre. Les entreprises ont un rôle crucial pour instiguer de profonds changements structurels, car au-delà de l’effondrement du capitalisme tel que prédit par Thallinger, c’est bien d’un risque existentiel qu’il s’agit: il y a peu de chances que nos civilisations puissent survivre à un monde à +3° C.

Unissons-nous pour exiger des politiques qu’ils mettent la justice sociale et environnementale au cœur des décisions. Soutenons les entreprises qui utilisent leur influence pour promouvoir le bien commun et encourager celles qui ne le font pas encore à suivre leur exemple. Et utilisons nos voix pour dénoncer les injustices et soutenir les mouvements qui luttent pour un monde plus juste et durable.

Nos actions aujourd’hui déterminent la situation future de nos enfants: un monde encore vivable ou une Terre à feu et à sang. Il est temps de lutter contre les systèmes oppressifs et les velléités masculinistes qui menacent notre avenir. Le silence et la neutralité ne sont pas des options. Casser le thermomètre et chasser les médecins n’a jamais fait tomber la fièvre! Allons-nous nous laisser mourir pour les privilèges de quelques menteurs?

Sara Gnoni, activiste, entrepreneure et élue au Conseil municipal de Choulex.
Dominique Bourg, philosophe spécialisé dans les questions environnementales,
professeur honoraire de l’Unil.