Édito

Charlie, an 5

Charlie, an 5
Pour l’occasion, l’hebdomadaire satirique a republié les fameuses caricatures du journal danois "Jyllands-Posten" qui avaient mis le feu aux poudres. KEYSTONE
France

Cinq ans après l’attentat terroriste contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, suivi de celui de l’Hyper Casher, un procès lourd de symbolique s’ouvre à Paris. Celui des complices des tueurs, ces derniers ne pouvant être jugés puisque morts.

Pour l’occasion, l’hebdomadaire satirique a republié les fameuses caricatures du journal danois Jyllands-Posten qui avaient mis le feu aux poudres. On peut y voir un utile rappel du droit au blasphème. Ces images, qui ont provoqué ces assassinats ignobles, peuvent choquer. Mais ce n’étaient que des dessins et ils restaient dans les clous de la liberté de presse et d’expression telle que définie par la loi française.

Le droit au blasphème est peut-être choquant pour certains; il n’en est pas moins une composante des libertés démocratiques. Relevons à cet égard les paroles claires prononcées mardi par Mohammed Moussaoui, le président du Conseil français du culte musulman: si ces dessins peuvent paraître dérangeants pour d’aucuns, que ceux-ci ne les regardent pas. «La liberté de caricaturer est garantie pour tous, la liberté d’aimer ou de ne pas aimer [ces caricatures] également.»1>Le Monde du mardi 1er septembre.

Personne n’est forcé d’acheter Charlie Hebdo. Tout est dit. Il est heureux que les «oui, mais» ne soient plus de mise. Ce qui se joue, c’est la liberté d’expression, de la presse et la défense de certaines libertés publiques fondamentales de la démocratie. Un principe sans doute pas été assez défendu après le premier attentat contre Charlie Hebdo, qui avait vu les locaux du journal partir en flammes en 2011, sans faire de victimes.

Mais la sacralisation de l’esprit Charlie que ce procès doit incarner suscite aussi des débats semés d’embûches. Il permet de museler une question légitime et fait porter à des militants antiracistes qui se sont offusqués de certains dessins, comme c’est leur droit, une part de responsabilité dans le carnage de Charlie Hebdo.

On peut considérer que les dérives extrême-droitières d’une partie des journaux français et d’émissions d’infotainement – où des personnes régulièrement condamnées, elles, pour incitation au racisme continuent d’avoir leur rond de serviette – sont nettement plus graves que certaines entorses au politiquement correct. Les voir brandir l’esprit Charlie pour leur sale besogne est un clou supplémentaire enfoncé dans les cercueils de saltimbanques qui fabriquaient ce journal avec une certaine gaieté que l’on aimerait retrouver.

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Opinions Édito Philippe Bach France Charlie Hebdo

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