Un masque sur les yeux?
Dès aujourd’hui (mardi), le port du masque, quel qu’il soit, est obligatoire dans les commerces genevois. Si les Vaudois et les Jurassiens connaissent déjà ce rituel, les Valaisans et les Neuchâtelois peuvent encore magasiner nez au vent, peut-être ont-ils et elles le gosier plus rêche au coronavirus, l’avenir nous le dira. Quoiqu’il en soit, à mesure que l’on renonce à maîtriser les flux dans les bâtiments et à y faire respecter les distances, le masque s’impose partout. La priorité au télétravail a fait son temps, les employés fragiles sont de retour au turbin, le traçage est à bien plaire, les avions avalent et recrachent les virus et leurs porteurs, c’est le retour à la normale. Avec un masque.
De permis de sortie pour les malades et d’instrument pour les soignants et les professionnels du corps, le bout de plastique ou de tissu sur le visage est devenu solution miracle. Dans certains pays, il ne quitte même plus le museau dès la porte de la maison franchie. Ambiance anxiogène garantie. Que l’OMS, malgré la pression, doute de son efficacité pour le grand public et ne le prescrive que lorsqu’aucun autre moyen de protection n’est possible, importe peu aux autorités. La mesure est simple, visible et économique.
Enfin pas pour le pékin. Comme pour ces employés contraints de le porter toute une journée durant, productivité et proximité obligent. Ou pour ces familles captives des transports publics pour qui le précieux masque vert jetable représentera vite un budget de plusieurs centaines de francs par mois. Or, même à gauche, on voit peu d’initiatives visant à soulager les plus modestes de cette charge.
Au coût financier, il faut en ajouter un autre, à retardement. L’ONU informait lundi que les ventes mondiales de ces masques à usage unique se seraient multipliées par 200 depuis le début de la pandémie. Ce qui signifie une augmentation équivalente de la production de plastique ainsi que celle de déchets, dont la dissémination dans l’environnement aggrave l’accumulation de polypropylène dans les eaux et la chaîne alimentaire.
S’il ne s’agit pas de vouer le masque aux gémonies, à l’instar de certains mouvements pseudo-libertaires, on peut à juste titre se méfier de sa soudaine promotion au rang de panacée. Pour qu’il ne devienne pas le nouvel oreiller de paresse comme hier l’enfermement de la population chez elle, le masque mérite qu’on l’use avec un minimum de discernement et qu’il soit accompagné de mesures sociales et écologiques le rendant durable et supportable.