Édito

Tous les chemins ne mènent pas à Compostelle

Tous les chemins ne mènent pas à Compostelle
Au Pays basque, Miren Gorrotxategi, la candidate d'Elkarrekin Podemos (à droite) perd la moitié de 'électorat du parti. Keystone
Espagne

Six ans après son émergence, Podemos, le parti né des Indignés, est bien représenté au gouvernement espagnol mais s’écroule dans les urnes. Est-ce là le destin de tout mouvement contestataire qui parvient aux responsabilités? Sa déroute, dimanche, aux élections régionales de Galice et du Pays basque pourrait le laisser entendre. La réalité est plus nuancée.

Sans doute le carton réalisé il y a quatre ans dans ces deux communautés autonomes était-il impossible à reproduire. Au sortir de la pire crise économique depuis la Guerre civile, la revendication de démocratie radicale et l’exigence de justice sociale avaient porté Pablo Iglesias et les siens. En coalition avec de petites formations locales, Podemos avait reçu près de 20% des voix dans la conservatrice Communauté de Galice (Nord-Ouest) et 15% au Pays basque (Nord), se plaçant à chaque fois devant l’historique Parti socialiste!

Au parlement de Saint-Jacques de Compostelle, sa marque locale, En Marea, était la principale force d’opposition au gouvernement du Parti populaire. Un an plus tôt, aux municipales, elle avait même remporté la capitale apostolique, La Corogne et El Ferrol.

Las, l’élan a été tel qu’il semble avoir poussé la gauche radicale du haut des falaises atlantiques. Dimanche, le parti du vice-premier ministre Iglesias s’est carrément fait éjecter du législatif galicien, ne réunissant qu’un cinquième (!) des suffrages de 2016. Au Pays basque, Elkarrekin Podemos perd la moitié de son électorat.
Pour un parti qui, en quelques mois d’exécutif national, vient d’obtenir la création du RMI, une nette hausse du SMIC ou encore des mesures d’exception pour affronter la crise sanitaire (blocage des expulsions et des hypothèques, notamment), la facture peut paraître salée. Elle doit pourtant être relativisée: le reflux de Podemos dans les communautés les plus autonomes ne date pas de cette année. Dès 2017 en Catalogne, l’appui populaire pour une gauche radicale d’implantation nationale s’est effrité avec la difficulté de Podemos à se situer sur l’axe séparatisme/centralisme. Le succès, ce week-end, des listes régionalistes de gauche semble prouver que le balancier conjoncturel est reparti en leur faveur. Une dynamique que le premier ministre socialiste Pedro Sanchez, très timoré sur la question catalane, a sans doute favorisée et qui empêche également son parti de capitaliser sur le recul de Podemos.

Si l’abandon de ses critiques à l’égard de l’Union européenne et sa loyauté envers son allié socialiste ont sans doute fâché certains électeurs, l’ex-parti des Indignés semble davantage payer son incapacité à «faire» mouvement, à dégager une identité commune au-delà du rejet des politiques néolibérales. La fidélisation du vote d’humeur et d’espoir de 2014-2016 nécessitait des débats d’orientation à la base, près des réalités concrètes des populations.

Dirigé depuis Madrid par un secrétaire général adoubé à coups de référendums électroniques où la popularité médiatique remplace le débat d’idées – ou à travers des coalitions de coalitions locales non moins éloignées des gens –, Podemos a égaré en route son projet initial. Plus que son arrivée au pinacle, c’est le chemin emprunté qui est sujet à caution.

Opinions International Édito Benito Perez Espagne

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