Édito

Fin d’un cycle

Fin d’un cycle
Pablo Iglesias a annoncé mardi son retrait de la vie politique espagnole. KEYSTONE
Espagne

Il symbolisait le paradoxe d’un parti, Podemos, né d’un mouvement social ultra-horizontal et devenu dépendant au verbe et à l’énergie de son leader. Pablo Iglesias a annoncé mardi son retrait de la vie politique espagnole, dont il fut depuis 2014 le talentueux trublion, au soir de l’écrasante victoire de la droite ultra lors des élections à la Communauté de Madrid. Le quadragénaire avait quitté en mars son poste de vice-président du gouvernement pour tenter, au sein d’une gauche réunie, d’arracher la première région d’Espagne à la «trumpiste» Isabel Díaz Ayuso. Au soir de la défaite, M. Iglesias en a tiré les conclusions ultimes: «Quand on cesse d’être utile, il faut savoir se retirer.»

Dix ans après l’émergence des Indigné·es, un cycle politique se clôt. La crise de 2008-2010 avait engendré une poussée contestataire, un ras-le-bol du consensus néolibéral – unissant libéraux et sociaux-démocrates et sapant tout choix démocratique –, cristallisé dans une dénonciation des élites et un «populisme», au sens noble du terme: la mobilisation de «celles et ceux d’en bas» dans l’intérêt commun.

La montée de Syriza en Grèce, des Insoumi·ses en France, du Bloco portugais, ou encore la radicalisation du Labour britannique de Jeremy Corbyn, exprimaient cette même lame de fond. L’Espagne, avec son gouvernement de coalition le plus à gauche de l’histoire récente, est la dernière à la voir refluer.

Ces échecs n’ont pas une cause unique et commune, mais ils laissent un panorama similaire: la montée en puissance des conservatismes les plus rances et autoritaires. Podemos rêvait de «prendre le ciel d’assaut», redonnant ambition et espoir aux tenant·es d’une démocratie radicale, mais il n’a pas su poser les fondations populaires indispensables à un tel changement de société. L’échec d’une prise rapide du pouvoir institutionnel a conduit à une impasse et au ralliement à l’ancien ennemi de «l’élite», le Parti socialiste.

Et pendant que Podemos devenait un parti d’élu·es se disputant les leviers du mouvement, Vox labourait le terrain social et construisait une organisation d’extrême droite décomplexée, de mieux en mieux ancrée. Face à une gauche désorientée, divisée en chapelles tout aussi empruntées à l’heure de parler aux milieux populaires, c’est la droite la plus réactionnaire qui aujourd’hui se sent pousser des ailes.

Comme hier en Grèce ou en France, la déception est à la hauteur des espoirs suscités. En miroir, ils se lisent dans le déchaînement de haine que la figure de Pablo Iglesias a provoqué. Jamais un politicien espagnol n’avait été l’objet d’autant de campagnes de dénigrements, de faux dossiers montés par des barbouzes et diffusés complaisamment par la presse, d’attaques sur sa vie privée, de menaces physiques. Durant des mois, des piquets de militant·es d’extrême droite se sont succédé devant son logis familial sans que cette agression ne soit dénoncée par les médias et partis prétendument démocrates et libéraux. Eux n’ont jamais de peine à désigner l’ennemi principal!

Opinions International Édito Benito Perez Espagne

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