Pierrot le flou
Pierre Maudet va très probablement se retrouver sur le banc des accusés devant la justice genevoise. Cette dernière a en effet décidé mercredi «de renvoyer en jugement», selon la formule consacrée, le contesté conseiller d’Etat libéral-radical.
La position de l’ex-wonder boy PLR devient de plus en plus intenable. Traité en lépreux par son parti – il ne lui manque plus que la crécelle –, ayant perdu toute crédibilité devant le parlement, il tente de se positionner en sauveur des PME sans faire illusion. Lorsqu’il ne savonne pas tout simplement la planche de ses collègues du Conseil d’Etat dans le plus pur style populiste sur le délicat dossier des pistes cyclables.
Bref, Pierre Maudet est en roue libre. Et pour filer la métaphore cycliste, il rétropédale. Alors que, dans un premier temps, il avait laissé entendre qu’en cas de procès il démissionnerait, cette décision est sans cesse repoussée. Désormais, c’est en cas de condamnation qu’il choisirait cette extrémité. Avant de la repousser une nouvelle fois en cas de jugement défavorable pour laisser le peuple seul juge? A force de finasser, le magistrat y a gagné le surnom de Pierrot le Flou.
Cette affaire empoisonne la République genevoise depuis deux ans. Elle mine son parti et a même provoqué le départ du précédent président du PLR. On ne versera pas trop de larmes sur le sort ce parti. Il a su faire lui-même son malheur en ne tirant pas les conséquences de cette triste affaire et en refusant, en assemblée des délégués, de sanctionner son champion. Tant mieux pour les autres formations qui ont su en profiter: le recul du PLR aux élections nationales et municipales est aussi lié à ce dégât d’image et cette perte de dynamique politique interne.
Mais, au-delà du sort du parti des banquiers qui s’en relèvera, ce sont les institutions genevoises qui en sortent affaiblies. Le Conseil d’Etat fonctionne en mode réduit, avec un boulet à sa jambe, devant se méfier d’un des siens. Un problème, alors que la situation de crise liée au Covid-19 demanderait des réponses fortes et volontaires. La faute morale et politique de Pierre Maudet est là. Dans la perte de crédibilité de l’autorité que son aveuglement provoque. Un sacré fiasco pour quelqu’un qui prétendait incarner le rôle régalien de l’Etat.