Chroniques

Les assassinats de George Floyd et d’Ayad el Halaq

AU PIED DU MUR

Le monde entier a vu comment des policiers de Minneapolis ont assassiné George Floyd. Quelques jours plus tard, le samedi 30 mai, la police israélienne abattait de sang froid Ayad el Halaq dans une rue de la vieille-ville de Jérusalem. Ayad était autiste, il s’était mis à courir quand les policiers l’ont approché. Il avait cru trouver refuge dans un petit entrepôt, mais c’était compter sans l’efficacité de ceux dont le rôle est de terroriser et tuer tout ce qui semble constituer une menace contre la sécurité et l’ordre public. Dans sa cachette, Ayad a été froidement assassiné: sept balles ont été retrouvées dans son corps.

Deux continents, la même brutalité policière, meurtrière. Il y a pourtant une grande différence entre les Etats-Unis et Israël: alors que le maire de Minneapolis a présenté ses excuses pour le comportement de la police locale, et salué la décision d’inculper les policiers pour homicide et non-assistance à personne en danger, en Israël on s’est contenté d’ouvrir une enquête menée par le Mahash, le Département des affaires internes de la police. Des flics qui enquêtent sur le comportement de leurs collègues, ça n’a jamais mené loin. Le maire de Jérusalem est resté muet sur le crime policier, à l’inverse d’ailleurs du grand rabbin d’Israël qui est allé exprimer ses condoléances à la famille el Halaq.

La différence entre les maires des deux villes est intimement liée à la réaction de leurs populations respectives. A Minneapolis et dans de nombreuses grandes villes étasuniennes ont eu lieu des manifestations de protestation gigantesques, où la présence de manifestant-e-s blanc-he-s était impressionnante. Aux Etats-Unis, il existe une société civile prête à se mobiliser pour le droit et la justice, et il y a plusieurs années s’est constitué Black Lives Matter, mouvement qui organise régulièrement aux quatre coins du pays des rassemblements contre la violence policière envers les Noirs. Ce n’est malheureusement pas le cas en Israël. L’assassinat d’Ayad el Halaq a laissé la société civile indifférente, à l’exception de quelques dizaines d’activistes. Comme l’écrit dans sa chronique Gideon Levy [journaliste et écrivain israélien de gauche], un Arabe – fût-il un autiste inoffensif assassiné de sang froid par une patrouille armée – n’est qu’un Arabe…

Il y a pourtant un point commun entre les deux pays: l’utilisation indiscriminée de la violence policière contre les «fauteurs de troubles»: en écoutant les éructations de Donald Trump appelant à tirer sur les manifestants, on croirait entendre Netanyahou et son gang exigeant la fermeté contre les manifestants arabes à Jérusalem et ailleurs, dans les territoires occupés. La grave crise sociale qui se profile, et qui touche particulièrement les populations palestiniennes, va devoir se confronter à une escalade de la répression, comme le laissent présager les derniers changements législatifs conférant à l’exécutif des pouvoirs exorbitants en termes de contrôle de la population et de répression policière.

Ayant complètement intériorise l’état d’urgence sanitaire, la population israélienne ne semble pas saisir les implications de ces réformes sur son quotidien. Ce qui confirme, une fois de plus, que les mesures utilisées contre ceux qui sont définis comme la menace extérieure finissent toujours pas porter atteinte aux libertés de ceux qui ont laissé faire.

Notre chroniqueur est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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