Temps choisi, temps imposé
La pandémie du Covid-19 a mis le télétravail sur le devant de la scène. Avec le confinement, quelque 335’000 personnes ont découvert cette manière d’exercer leur activité professionnelle. Une progression notable. Mais pas non plus une révolution, puisque, avant le confinement, environ 1,1 million de travailleuses et de travailleurs avaient déjà recours ponctuellement à ce type d’activité.
Un sondage a été réalisé par l’entreprise GFS à la demande de Syndicom, le syndicat de la communication. Il montre que les salariés apprécient globalement le télétravail. Quelque 90% sont favorables à ce qu’il soit autorisé. Ils saluent particulièrement le fait de ne pas perdre des heures en déplacement. Et, de manière plus altruiste, ils expriment aussi un souci de ménager l’environnement, qui recoupe les valeurs exprimées par les grévistes du climat.
Avec des cautèles, toutefois. Car le sondage met également en évidence certains risques. Les plus évidents étant l’isolement social, les personnes travaillant à domicile se plaignent notamment de difficultés de communication avec leurs collègues. Autre question ouverte: qui paie pour l’équipement nécessaire, les aménagements et la facture de téléphonie? Et les femmes interrogées expriment de fortes réticences face à la double charge du travail couplé à la garde des enfants.
On relèvera que ce sondage a été réalisé dans des conditions favorables. Le confinement a obligé tout le monde à se retrousser les manches et à inventer des solutions. Quitte à moins compter ses heures. Nul doute que certains patrons ont déjà flairé l’aubaine et y verront un intérêt pour maximiser les profits. L’intensité du travail à distance va augmenter. Certaines entreprises ont déjà installé des mouchards dans les ordinateurs pour veiller à ce que leurs employés ne se vautrent pas sur des oreillers de paresse.
De temps de travail choisi ou libéré, les technologies de l’information et de la communication peuvent aussi conduire vers un nouveau servage: un empiètement de la sphère professionnelle sur la sphère privée; l’atomisation sociale en plus, les solidarités entre employés en moins.
En cela, saluons la démarche proactive de Syndicom. Anticiper ces tendances de l’organisation du travail permettra de mieux lutter et de mobiliser pour protéger, via le droit du travail ou les conventions collectives, les travailleuses et les travailleurs de ce qui peut vite, si on n’y prend garde, se transformer en nouvelles aliénations, car telle est la logique implacable de l’économie de marché.