UE: ensemble dans le mur
Un emprunt de l’Union européenne à hauteur de 500 milliards d’euros pour financer les pays et les secteurs qui souffrent le plus de la pandémie. A priori, la proposition de Fonds de relance européen présentée lundi par Angela Merkel et Emmanuel Macron est décoiffante. De fait, jamais l’Allemagne n’avait consenti à mutualiser une telle dette, qui reviendrait à doubler sur un an le budget de l’UE, si on lui additionne les 540 milliards de prêts déjà annoncés début avril.
Ce geste, qui soulagera notamment l’Italie et l’Espagne, offre aussi une bouffée d’air frais au très impopulaire Emmanuel Macron, dont le discours européiste demeure le dernier atout dans la manche pour éviter la débâcle lors de la présidentielle de 2022. Après la crise grecque, le Brexit, l’incapacité à gérer ensemble la pandémie et la perspective d’une profonde récession, les tenants de l’intégration européenne avaient bien besoin d’un électrochoc. Et Mme Merkel d’un ultime baroud européen.
Restera-t-il au stade de l’annonce? L’opposition de pays économiquement bien portants (Autriche, Danemark, Pays Bas) et peut-être même du Bundestag pourrait obliger les Européens à revoir discrètement leurs ambitions. Le pré-accord franco-allemand comporte suffisamment d’ambiguïtés pour s’y engouffrer. Ainsi l’absence de remboursement des allocataires du Fonds est conditionnée à «un engagement clair par les Etats membres d’appliquer des politiques économiques saines et un programme de réformes ambitieux»… Des termes qui rappellent la novlangue et les recettes néolibérales imposées naguère à la Grèce.
Plus grave, le seul critère d’allocation du futur Fonds de relance européen étant pour l’heure de soulager «les secteurs les plus touchés», il y a fort à parier que les milliards empruntés par les contribuables européens sur les marchés financiers servent à ressusciter l’industrie automobile, l’aviation civile et le tourisme de masse. De quoi nous relancer, en effet, mais dans le mur.