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Questions de vocabulaire

Pascal Cretton rend attentif aux termes employés lors de cette pandémie.
Réaction

Bravo Mme Hummel (Le Courrier du 1er mai, page 6), non seulement pour votre témoignage et votre travail, mais pour avoir relevé l’absurdité de l’expression «distance sociale». Est-ce parce que je suis physicien, ou parce qu’impliqué dans la décroissance, que je vois quand des expressions ne veulent rien dire, voire sont nuisibles? Merci donc d’avoir relevé cette évidence: c’est une distance physique. Et la nécessité de maintenir cette distance augmente, et ne diminue pas, celle d’avoir entre nous une proximité sociale.

Et aussi, désolé pour vous journalistes du Courrier, de vous dire que ce que nous vivons n’est pas une crise, mais une conséquence. Dont nous, les humains, sommes la cause.

Je pourrais citer d’autres exemples de définitions et concepts repris sans distance critique. Ils émaillent la prose calibrée des camelots de la nouveauté. Et je passe ici le pourquoi et le comment notre désastre mondialisé a produit cette conséquence, afin d’user au mieux de mes 2500 caractères, pour dire que les journalistes doivent faire leur travail. Et donc réfléchir aux mots qu’ils emploient.

Depuis Georges Orwell ou Simone Weil, pour citer les premières références qui me viennent à l’esprit, on sait que la maitrise du vocabulaire conduit à celle de la pensée. C’est une base que tout chef de parti, dirigeant, idéologue, spin-doctor, nervi de comm’ de transnationale, militaire, propagandiste, troll, gourou, publicitaire, escroc, trafiquant, apprend. Que des journalistes qui ne sont plus que des bourreurs de temps de cerveau disponible en usent, on ne peut que le déplorer, mais au moins est-ce logique: c’est pour cela qu’ils sont payés, sinon ils sont virés. Mais que d’autres, d’une presse que nous achetons pour éviter qu’elle ne soit vendue, se comportent comme des perroquets du système qui nous tue, c’est déprimant.

Donc voilà, je vous propose un exercice, journalistes au Courrier. A faire en toute intimité hors «surgafamalveillance», par exemple sous la douche avec du Wagner très fort en toile de fond: articuler 100 fois «distance physique» et «conséquence» en pensant à ce que nous vivons. Vous verrez, c’est comme «décroissance», dur au début, mais ensuite un peu comme «l’essentiel, autrement»: une libération. Et on verra ces termes dans vos écrits. Et on aura gagné en vocabulaire, donc en pensée et de là, en capacité d’action. Merci d’avance!

Pascal Cretton,
Lausanne

 

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