Édito

Retour à l’anormal

Retour à l’anormal
L’an dernier, quelque 7 millions de personnes sont mortes prématurément d’avoir respiré un air vicié. KEYSTONE
Suisse

Retour à la normale? Ni l’exil hors du fastueux Palais fédéral pour la glaciale Bernexpo, ni les deux mois de pause forcée n’ont ébranlé les parlementaires dans leur déni de la crise environnementale. A l’habituelle tête dans le sable a juste succédé, depuis lundi, un regard fixement posé sur le passé. Même leurs meilleures mesures ont ce goût de conservatisme: maintenir en vie les médias, maintenir à flots les entreprises, maintenir en ordre de marche les infrastructures, quelles qu’elles soient. La transition écologique, ce luxe dans une société obnubilée par les six prochains mois, devra attendre que les hôpitaux s’emplissent de malades du climat ou que le taux de profit recule devant la multiplication des catastrophes.

L’impréparation avec laquelle nous affrontons la crise sanitaire n’a pas dessillé les yeux. Or vouloir répondre à cette pandémie de coronavirus sans prendre en compte sa dimension environnementale est, en soi, un non-sens. Les études s’accumulent pour souligner que ces phénomènes surgissent toujours plus fréquemment sous l’effet de la déstabilisation des écosystèmes. Exploitation des ressources naturelles, extension de l’agriculture et réchauffement climatique sont pointés du doigt. De même que l’explosion de la mobilité, la multiplication des conflits et l’urbanisation sans contrôle offrent de bons moyens de propagation.

Plus: dans le contexte des coronavirus, la recherche montre une corrélation claire entre la gravité des affections causées par la maladie et le taux de pollution subi par le malade. Dévoilé une première fois lors de l’épidémie de SRAS en 2002-2003, ce lien se voit confirmé par diverses études concernant le Covid-19 aux Etats-Unis, en Italie et en Grande-Bretagne. Ainsi, une étude de Harvard sur 3000 comtés étasuniens, neutralisant les variables de densité, d’accès aux soins et personnelles (tabac, obésité), montre qu’une hausse même très légère de la présence de particules fines dans l’air suffit à aggraver exponentiellement les effets de la pandémie.

Comme un effet miroir, on apprenait la semaine dernière que pour le seul mois d’avril, la chute de la pollution dans une Europe sous confinement aurait permis de sauver 11’000 vies. «Lorsque nous enlèverons nos masques, nous voulons respirer un air pur», a revendiqué Maria Neira, responsable de l’environnement à l’OMS. Rien n’est moins sûr, pourtant. L’an dernier, quelque 7 millions de personnes sont mortes prématurément d’avoir respiré un air vicié. A voir œuvrer nos élus, c’est bien un retour à ce monde-là qui nous est promis.

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