Agora

Trois scénarios post-pandémie

Quel sera le monde, une fois le fléau de la pandémie derrière nous? Aymon Othenin-Girard imagine trois scénarios pour les pays occidentaux, et les effets qu’ils impliquent.
Société

Le premier scénario, le plus probable, est celui d’un retour à la situation antérieure à la crise globale que nous vivons, à coup de milliers de milliards de dollars pour soutenir les activités économiques. Une illusion de retour à la normale, qui creusera des dettes publiques déjà abyssales suite à la crise économique de 2008 (déjà un effet de la mondialisation capitaliste). Les Etats en ressortiront encore plus affaiblis et auront donc encore plus de mal à faire face à la prochaine crise globale, inéluctable. C’est l’impasse à moyen terme, car la mondialisation capitaliste continuera de générer des crises planétaires. Mais c’est certainement l’option que choisiront nos gouvernants (élus ou pas) pour préserver le système dont ils profitent tant.

Le second scénario, dans le prolongement du premier, est une dérive dystopique de nos sociétés, dont les prémices sont déjà à l’œuvre: renfermement des Etats sur eux-mêmes, exacerbation des populismes et de la xénophobie; restrictions durables des libertés publiques, notamment de mouvement, voire contrôle social à la chinoise grâce aux high-tech1>Voir la collaboration de Swisscom avec le gouvernement (Cf. Le Courrier du 26 mars 2020, édito et p. 8) et les dérives sécuritaires dans les Etats voisins, comme la France qui devient une véritable «démocrature».; renforcement des pouvoirs exécutifs au détriment des législatifs, appauvrissement de la vie politique; déshumanisation des rapports sociaux par l’usage accru des services sur Internet; dégradation des conditions de travail et creusement des inégalités sociales; dégradation continue des écosystèmes, pénuries alimentaires, etc.

Le troisième scénario impose une transformation radicale du fonctionnement de notre société: éducation aux valeurs progressistes (altruisme, coopération, respect des différences…); réorientation de l’économie vers la production de biens et services satisfaisant les besoins essentiels dans le respect de l’environnement et des droits sociaux, en privilégiant les circuits courts (rupture avec les politiques de libre-échange qui ont saboté les productions indigènes et nous rendent trop dépendants des importations); réorientation de la politique agricole vers l’autonomie alimentaire, en privilégiant les producteurs bio; réorganisation du travail pour rendre enfin compatibles vie privée (familiale) et professionnelle; instauration d’une dotation inconditionnelle d’autonomie2>Lire l’article du journal d’écologie politique Moins!, accès: www.projet-decroissance.net/?p=2188, cette présentation: www.projet-decroissance.net/?p=2435 ainsi que le livre de référence de Vincent Liegey et al., Un projet de décroissance. Manifeste pour une dotation inconditionnelle d’autonomie, Ed. Utopia, 2013. pour construire une société de décroissance souhaitable et soutenable au lieu d’une société de récession subie; encouragement des modes de vie alternatifs; lutte vigoureuse contre les discriminations et inégalités; transition énergétique accélérée et développement des low-tech; politiques d’aménagement du territoire respectueuses des écosystèmes; réduction de la mobilité motorisée, surtout au niveau international etc.

Ce dernier scénario, utopique au sens noble du terme, est pourtant le seul à être raisonnable si l’on veut se donner un avenir enviable, à nous et aux générations suivantes, sur une planète pas trop dégradée par les effets ravageurs du capitalisme mondialisé. Et ce ne sont pas les ressources financières (la preuve en est donnée ces jours), ni les compétences, ni les bonnes volontés qui manquent. L’heure des grands choix de société a sonné. Nos gouvernants auront-ils le courage de les faire?

Notes[+]

* Genève.

Opinions Agora Aymon Othenin-Girard Société

Connexion