L’école du risque
Le covid-19 met les nerfs à rude épreuve. Il appelle des décisions qui concilient prudence sanitaire et responsabilité sociale. Or l’économie trépigne, imposant la relance de la machine sans délai. Mis sous pression, le politique ne rassure pas lorsque ses justifications semblent guidées par cet impératif-là, plutôt que par des considérations de santé publique. Et par le respect des missions de l’école: transmettre des connaissances, oui, mais aussi contribuer à l’épanouissement et à la citoyenneté, lutter contre les inégalités sociales. La réouverture des classes de l’école obligatoire le 11 mai offre-t-elle toutes les garanties? Le secteur de l’accueil (crèches, accueil et suivi parascolaire) pourrait, lui, rouvrir ses portes dès le 27 avril déjà.
Le Conseil fédéral et, à sa suite, les cantons, prennent un parti qui ne fait l’unanimité ni au sein de la communauté scientifique, ni auprès des parents, ni des personnels concernés. Les enfants, selon Alain Berset, seraient de «très mauvais vecteurs du covid-19». Vraiment? Rien ne permet de l’affirmer, l’état des connaissances scientifiques sur le sujet n’a pas changé depuis la fermeture des écoles le 13 mars, note le Syndicat des enseignants romands. Les plus jeunes sont aussi ceux qui respectent le moins facilement les gestes barrières. Transports publics, préaux, réfectoires et salles de classe sont autant de lieux où l’infection pourrait se transmettre, sapant les efforts consentis par la population depuis plusieurs semaines.
On l’a compris, le redémarrage de plusieurs secteurs d’activité à la fin du mois pose l’impératif d’une garde des enfants, dès lors que beaucoup de parents ne seront plus disponibles et que les grands-parents ne peuvent toujours pas prendre le relais. Voilà qui éclaire, sans doute en partie, la décision des autorités. Or, l’école n’est pas une garderie. On aurait pu imaginer que le post-obligatoire passe en premier, afin de ne pas prétériter les cursus et parce que les gestes barrières y seront observés.
Le covid-19 a mis un coup d’arrêt à la lutte pour le climat, porteuse de justice sociale, de solidarité entre les générations, d’attention portée aux plus vulnérables. Aujourd’hui, la subordination d’un système scolaire fragilisé à la relance économique, sans offrir les garanties indispensables (soutien scolaire des moins favorisés, protection du personnel, dépistage à grande échelle), donne la désagréable impression, une fois encore, de faire fi de la santé publique et du principe de précaution.