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Les Etats-nations font à la hâte le job tout seuls!

Dans la crise engendrée par la pandémie de coronavirus, c’est la globalisation qui est en cause, mais ce sont les Etats-nations qui «paient les pots cassés», déplore Jacques Depallens. Explications.
Covid-19

La crise du Coronavirus nous fournit en temps réel une radiographie du système mondialisé. Alors que des centaines de milliers d’individus, dans les cinq continents, sont en sérieux danger sanitaire ou risquent la mort, on souligne surtout la grave crise économique qui pointe à l’horizon tout proche!

Sur le plan de la santé, la gouvernance mondiale est complètement muette, en mode encéphalogramme plat. Sans amener le moindre kopeck en direction des urgences de santé, les multinationales crient à l’aide du fond de leur corbeille boursière! Elles attendent que les entités étatiques volent à leur secours. L’Union européenne s’est affichée aux abonnés absents en matière de coordination minimale des efforts touchant à la pandémie. Saupoudrant ici ou là de petites initiatives dérisoires. Pour l’image!

Après des décennies de dégradation du système hospitalier, en Italie comme en France, les mesures de lutte contre l’épidémie reviennent en totalité à la charge de chaque nation. Comme lors de la crise des subprimes en 2008, les Etats sont appelés à l’aide, ainsi que l’Union européenne: les grandes entités économiques annoncent des aides spectaculaires des banques nationales, donc de nous contribuables, à grands coups de timbale: les Etats-Unis 950 milliards de dollars (700 mia pour le rachat de titres boursiers en perdition et 250 pour les salariés et les PME). L’Union européenne 750 mia d’euros, la France 45 mia, l’Italie 25 mia.

Le Conseil fédéral a, quant lui, libéré 42mia de francs. Il s’agit principalement d’émettre des obligations d’Etat et de prêter aux entreprises des fonds avec intérêt négatif (des prêts rémunérés!) pour leur permettre d’investir sitôt que l’économie reprendra. Avec une réduction des charges et cotisations sociales, diminuant encore les recettes de la santé publique.

Situation cauchemardesque en France, où les hôpitaux étaient aux soins intensifs en 2019 déjà. On se souvient que des réformes brutales ont contraint les hôpitaux publics à devenir jusqu’à l’absurde des entreprises rentables, avec une enveloppe à gérer pour chaque établissement. Sarkozy l’avait initiée en 2010. La dérive en termes de santé publique s’est renforcée chaque année. Depuis deux ans, tous les médecins chefs de service ont démissionné collectivement de leurs tâches administratives. Ils ne se rendent plus aux colloques qui traitent de rentabilité et ne documentent plus les rapports administratifs ni les éléments de tarification qu’ils contestent. Dès que des lits sont vides, la gestion entrepreneuriale enjoint de les supprimer et de réduire, en navigant à courte vue, le personnel d’autant. Les services des urgences sont donc débordés depuis plus d’un an dans tout le pays. De nombreux médecins et infirmières quittent la profession.

Depuis le mois de février, en pleine pandémie, c’est une course contre la montre que le personnel soignant doit effectuer. Masques, gants et gel font défaut. Tests en rupture de stocks. Le directeur général de l’OMS, Tedros Ghebreyesus, a lancé: «Nous avons un message simple à tous les pays qui combattent le Covid-19: testez, testez, testez! On ne peut pas stopper cette pandémie si on ne sait pas qui est infecté.» Or les réactifs manquent, autant pour la France que pour la Suisse, malgré des entreprises pharmas en pleine santé financière. Et notre épidémiologie helvétique qui n’avance pas d’un mètre dans ces conditions.

Un changement de doctrine s’éloignant du libéralisme? Le 12 mars, le président Macron, lors d’une allocution rutilante, a fait le procès de l’économie de marché: «Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection (…) à d’autres est une folie.» Avant, le terme «souveraineté» était presque un gros mot dans les cercles de la finance mondiale! En écho, son ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, y est allé de son couplet en répondant à BFM le 18 mars. Selon lui, la crise révèle la fin de la mondialisation. Les services essentiels ne peuvent être réalisés sur un terrain concurrentiel mondial.

Macron, tel Paul sur le chemin de Damas, va-t-il se reconvertir à une politique de recentrement national, lui qui incarne, depuis la banque Rothschild jusqu’à aujourd’hui, l’abandon de la souveraineté de l’Etat-nation, les délocalisations à outrance et le dévouement sans bornes aux lois de la compétition sur les marchés mondiaux?

On doit se pincer pour donner du crédit à cette annonce de métamorphose inattendue.

Notre invité fait partie d’Ensemble à Gauche, Renens (VD).

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