Inégalité devant le virus
Tous ne sont pas égaux face au coronavirus: on ne vit pas de la même manière un confinement dans une villa ou un appartement exigu. En France, on a assisté à un exode rural vers les résidences secondaires, ce qui contribue d’ailleurs à la diffusion du virus et met à mal les structures hospitalières des régions périphériques qui ont été fortement touchées par trente ans de politique néolibérale. Il est plus simple de faire des réserves et de remplir son garde-manger quand on n’a pas de soucis de fin de mois. Y compris en ce qui concerne l’accès à certains médicaments.
Ce n’est pas une surprise. Durant la grippe espagnole de 1918-1919, on a calculé que le taux de mortalité était 50% plus élevé dans le quartier le plus pauvre d’Oslo par rapport à l’arrondissement le plus riche1>Grippe pandémique de 1918, un révélateur social», Courrier du jeudi 19 mars.. Le télétravail est davantage accessible aux cadres des entreprises qu’aux maçons qui turbinent sur les chantiers. Il a fallu une semaine pour que ces derniers soient progressivement mis à l’arrêt!
Les professions les plus présentes au front – vendeuses, personnel soignant, personnel de la petite enfance, corps enseignant– sont souvent féminines. Les inégalités de genres viennent s’ajouter aux inégalités sociales.
Quand aux damnés de la terre, les migrants, les sans-abri, les clandestins: leur processus d’invisibilisation les rend encore plus vulnérables. Sans oublier les jeunes, qu’il est de bon ton de stigmatiser pour leur «égoïsme» car rétifs à la discipline du rester chez soi. On peut prédire qu’il ne leur sera pas fait beaucoup de cadeaux: vont-ils perdre une année scolaire, leur orientation en pâtira-t-elle? Ils l’auront bien mérité.
Enfin, troisième inégalité: celle traditionnelle entre le Nord et le Sud. Là aussi, on peut prédire que le bilan sanitaire ne sera pas le même. L’Organisation internationale du travail (OIT) a publié mercredi un rapport laissant entendre que l’épidémie pourrait avoir un effet massif sur l’emploi avec près de 25 millions de personnes qui perdraient leur job. Davantage qu’à la suite de la crise des subprimes de 2008. Entre 8,8 et 35 millions de personnes vulnérables pourraient sombrer dans la pauvreté.
Les énormes sommes qui sont actuellement débloquées devraient donc aller en priorité à préserver ces plus faibles. Mais, on le voit aux Etats-Unis, les mesures mises en place visent prioritairement à préserver les intérêts des investisseurs au nom du maintien de la machine économique.
Rien d’étonnant, mais ô combien démoralisant.
Notes