Chroniques

Alexandra Kollontaï: féminisme et lutte de classes

L'histoire en mouvement

Issue du mouvement socialiste syndical, La Journée internationale des droits des femmes gagne son aura internationale en 1910 lors de la Seconde Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, sous l’impulsion de Clara Zetkin. Cette dernière est appuyée dans sa démarche par Alexandra Domontovitch, plus connue sous le nom d’Alexandra Kollontaï, qui y représente alors les ouvrières du textile de Saint-Pétersbourg. Pour Alexandra Kollontaï, la lutte pour l’émancipation des femmes est indissociable de la lutte des classes: c’est en adhérant et en militant dans un syndicat que les travailleuses pourront activement lutter pour le contrôle ouvrier de la production et pour l’émancipation de la classe ouvrière – des conditions nécessaires pour une réelle et totale libération des femmes du joug patriarcal.

Née le 31 mars 1872 dans une famille aristocrate russe aux origines finlandaises, Alexandra Kollontaï est une des premières femmes du monde contemporain à entrer dans un gouvernement (celui des Soviets). Femme indépendante, elle étudie l’économie politique à l’université de Zurich et rencontre Lénine, alors en exil en Suisse. Marxiste, elle s’oppose à la Première Guerre mondiale qui n’a d’autre but que de diviser la classe ouvrière mondiale. Dès 1912 elle déclare: «Le prolétariat russe, aux côtés de celui du monde entier, proteste contre toutes les guerres. C’est un fait bien connu que le prolétariat ne connaît aucune frontière nationale. Il ne reconnaît que deux ‘nations’ dans le monde civilisé: les exploiteurs et les exploités.»

Féministe, elle parvient, en tant que commissaire du peuple, à légaliser le droit au divorce par consentement mutuel, permet l’accès à l’éducation pour les filles, établit le principe de salaire égal entre les femmes et les hommes, fait adopter un congé maternité, la reconnaissance des enfants naturels et légitimes et le droit à l’avortement (plus tard remis en cause par Staline). Elle questionne le concept de l’amour et du mariage et dénonce le fait qu’ils profitent à la bourgeoisie (par la famille) et répondent aux besoins de la société capitaliste et libérale. A la place, elle prône l’amour-camaraderie, basée sur l’égalité, l’absence de possessivité et sur l’empathie entre camarades.

En cohérence avec son positionnement socialiste et féministe, elle lutte pour l’abolition de la prostitution, «une violence que s’inflige une femme à elle-même pour des raisons financières», et dont la fin ne pourra avoir lieu que dans le cadre du combat féministe qu’elle porte – c’est-à-dire par l’achèvement de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et l’égale distribution des richesses produites.

Femme libre et courageuse, Kollontaï exprime très tôt ses désaccords avec la politique du parti bolchévique au lendemain de la Révolution russe, notamment en ce qui concerne l’étatisation de la production contre la collectivisation, la réduction des libertés politiques et la répression de nombre de révolutionnaires. Plaidant pour plus de démocratie et en faveur de l’autonomie des syndicats, elle critique ouvertement la «Nouvelle politique économique» de Lénine, ce qui lui vaut un retrait forcé de la vie politique soviétique.

Nommée diplomate en Norvège, elle sera l’une des premières femmes au monde à occuper un tel poste. Cet exil subi lui permet d’échapper aux purges staliniennes et de séjourner dans plusieurs pays. Fine négociatrice et fervente pacifiste, elle mènera les négociations d’armistice entre l’URSS et la Finlande pendant la Seconde Guerre mondiale, puis avec la Roumanie, après avoir été nommée ambassadrice.

Alexandra Kollontaï est décédée le 9 mars 1952 à Moscou. En 2019, l’avenue de la Paix à Genève a été renommée temporairement à son nom, grâce au projet 100Elles* du collectif genevois L’Escouade.

L’association L’Atelier-Histoire en mouvement, à Genève, contribue à faire vivre et à diffuser la mémoire des luttes pour l’émancipation par l’organisation de conférences et la valorisation d’archives graphiques, info@atelier-hem.org

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