Chroniques

Du bienfait de la lecture de GHI en temps de pandémie

L'Impoligraphe

Pour se préserver du coronavirus, il faut donc, tant qu’on le peut, rester chez soi. Et chez soi, qu’est-ce qu’on peut faire qu’on ne fait peut-être pas assez habituellement? Ben, lire. Faut toujours lire, dès qu’on peut. Surtout que certaines lectures ont cet effet euphorisant de vous persuader de votre intelligence. Ce n’est pas forcément qu’elles sont intelligentes et vous rendent intelligent-e, c’est seulement qu’elles vous convainquent que vous l’êtes bien plus que ce que vous lisez. Et ça fait toujours du bien par où ça passe, surtout en temps de pandémie. Parce qu’en ces temps comme en d’autres, réfléchir, ça peut être fatigant. Se sentir intelligent par comparaison, c’est quand même plus confortable. Et affecte moins notre capacité à résister à SARS-CoV-2.

Bon, prenons un exemple: le GHI de mercredi nous gratifie d’une pleine page sur «ces minorités qui nous tyrannisent» et d’une petite liste de «ces minorités». Cette liste n’est pas intéressante en soi, elle l’est a contrario: en énumérant les méchantes minorités qui «tyrannisent» la gentille majorité, on exprime l’idée de ce qu’on se fait de celle-ci. Et surtout, on définit ceux qui se sentent «tyrannisés». C’est qui, alors, le «nous» de «ces minorités qui nous tyrannisent»? Fastoche: ces minorités étant les antispécistes, les féministes, les écologistes et les militants LGBT, la majorité, c’est, malheureux comme les pierres, les «mâles blancs hétérosexuels» (ben merde alors, on en est…). Et ils ont peur de quoi, au juste? Qu’on les leur coupe ? qu’on leur interdise la choucroute du dimanche? de garer leur 4×4 sur une piste cyclable? Vous l’aurez compris: on n’est pas dans Tocqueville, qui craignait la «tyrannie de la majorité», mais dans le complexe de persécution du beauf de Cabu.

Et si vous tournez la page de GHI, vous tombez sur une rogne contre la «féminisation des rues» (c’est le titre de l’article, comme si c’étaient les rues qu’on féminisait quand on ne féminise que les noms de seize d’entre elles) en ville de Genève, et l’annonce que le MCG (qui d’autre pouvait le faire?) lançait, campagne électorale oblige (qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour tenter de surnager) une pétition au titre interminable (mais révélateur): «Pour en finir avec l’instrumentalisation politique genrée de l’espace public, laissons nos rues actuelles en paix». Mais qu’est-ce ça peut bien lui faire, à Jean Violette, que sa rue porte désormais le nom de Grisélidis Réal? GHI et le MCG ont même oublié que c’est le Grand Conseil qui avait demandé dans une motion acceptée par 46 voix contre 5 oppositions (et une palanquée d’abstentions) de féminiser les noms d’une centaine de rues, de places, de boulevards, de routes, de venelles genevoises… faisant ainsi suite à l’initiative de «100Elles» l’année dernière, qui avait, déjà avec le soutien de la Ville, placé des plaques fuchsia portant des noms de femmes sous les plaques bleues portant la toponymie officielle (nombre de ces plaques fuchsia ont été volées, sans doute par des gens à qui elles plaisaient, et quelques unes vandalisées, ce qui est une autre manière, hommage du vice à la vertu, de ratifier leur utilité).

La proposition de la Ville de féminiser seize de ces noms, proposition faite à la commission cantonale de nomenclature, qui en fera un préavis au Conseil d’Etat (c’est lui qui décide, par un arrêté non soumis à référendum), aurait «débouché sur une polémique sans précédent», nous affirme carrément GHI. Une polémique «sans précédent», vraiment? On hésite entre deux diagnostics – pas exclusifs: l’amnésie ou l’Alzheimer. Ou alors le coronavirus…

Au passage, on se demande pourquoi il se trouve au PLR quelque élue pour pester contre l’idée de renommer la place des 22-Cantons (quand il y en a désormais vingt-trois) place Lise-Girardin, première maire de Genève, première conseillère aux Etats… et figure historique du Parti radical. Mais sans doute peste-t-on aussi au PLR contre la proposition de la Ville d’Onex de donner à la place ouvrant sur la salle communale le nom de Monique Bauer-Lagier, conseillère nationale libérale…

On ricane parce qu’on a mauvais esprit, mais on devrait être reconnaissant à un journal comme GHI, un parti comme le MCG ou quelque conseillère municipale libérale: les lire ou les entendre convainc à peu de frais celui ou celle les lit ou les entend de sa propre intelligence: A quelque niveau qu’elle se situe, elle sera supérieure à ce qu’il ou elle aura lu ou entendu. Et par les temps qui courent (en direction du supermarché pour faire des stocks de papier-Q), un peu de satisfaction d’amour-propre est toujours bonne à prendre.

Avec une distance de deux mètres, en la recrachant dans son coude et en s’en lavant les mains au schnaps, bien sûr.

Conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève; candidat au Conseil municipal.

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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lundi 8 janvier 2018

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