Le burn-out parental
Devenir parent est quelque chose de fabuleux! Vous allez vivre mille et un délices, c’est ce qu’entendent les futurs pères et mères à l’occasion de l’heureux événement. Dans notre société, on valorise le métier de parent en ne soulignant que peu les difficultés rencontrées.
S’occuper d’un enfant est un travail exigeant dont on ne peut jamais démissionner. Le burn-out parental (BP) relève-t-il d’une réelle problématique? Une question posée par la professeure Isabelle Roskam, de l’Université catholique de Louvain, en Belgique, qui est une experte mondiale de la question. C’est dans ce cadre qu’elle a été invitée à la conférence annuelle du FADO (Centre de recherche sur la famille et le développement), en septembre dernier à Lausanne: «Quand la grande aventure tourne au désastre: comprendre le burn-out parental.»
Le sujet a longtemps été ignoré par la recherche. Les résultats de l’étude menée sur 5000 parents francophones et anglophones depuis quatre ans par Isabelle Roskam et son équipe confirment que le BP est une maladie du spectre du stress qui, non traitée, peut évoluer vers la dépression. La prévalence du trouble est d’environ 5%. C’est pourquoi une prise en charge rapide et adaptée est importante. Les mères sont plus souvent touchées que les pères car ce sont elles qui supportent la plus grande partie de la charge familiale.
Le BP touche toute la famille. Le parent épuisé montrera de l’irritabilité et aura tendance à somatiser en se plaignant de migraines ou de troubles digestifs. La consommation de tabac ou d’alcool peut se transformer en addiction. La différence avec le burn-out professionnel est que les idées suicidaires deviennent fréquentes, de même que les envies de fuir sa famille à chaque occasion, avec parfois même le désir de recommencer une vie à l’autre bout du monde.
Le couple est également mis à rude épreuve. Les spécialistes du BP remarquent une augmentation des conflits et des idées d’adultère. C’est souvent le conjoint non épuisé qui récolte la violence que l’autre essaie de ne pas reporter sur les enfants. Car au final, le risque majeur concerne les enfants qui deviennent victimes de négligence physique, affective et éducative. Lorsque la ligne rouge de la violence, d’abord verbale puis physique, est franchie, allant jusqu’à l’envie de tuer son bébé, dans la majorité des cas, heureusement, le parent en burn-out demande une consultation. La honte de ne pas remplir correctement son rôle de parent conduit ce dernier aux limites de la dangerosité, car il est socialement compliqué de dire qu’on ne supporte plus sa progéniture. Dans les résultats de son étude, Isabelle Roskam note que le BP augmente de treize à vingt fois le risque de violence sur l’enfant, alors que, dans la dépression, il n’est «que» de six à sept fois plus élevé.
Dans un premier temps, il est nécessaire d’écouter et de laisser dire la souffrance de la personne en burn-out dans un espace sécurisé. Cela a pour effet de diminuer la honte et la culpabilité. Par la suite, la «recette» est toujours identique, rappelle la professeure. Dans une prise en charge de dix semaines en groupe, elle utilise le modèle de la balance pour diminuer les facteurs stressants et augmenter les ressources, afin de rééquilibrer les forces. Avec le parent en BP, elle réfléchit à des solutions comme celles de réduire les activités extrascolaires des enfants ou de trouver des aides pour les devoirs. Certaines ressources déjà présentes peuvent être mieux utilisées: échange de tâches entre parents et même entre voisins.
L’équipe belge a constaté une réduction des symptômes du BP de plus de 30% après la prise en charge. Un taux qui se prolonge au-delà de trois mois. Les négligences et les violences sur les enfants diminuent également d’un quart, et cela sur le long terme. Le burn-out parental est un trouble spécifique et grave qui a des conséquences pour le parent, le couple et les enfants. Chaque BP a son histoire, mais il résulte toujours d’un déséquilibre chronique: le parent subit trop de stress parental et n’a pas les ressources suffisantes pour en compenser les effets. Heureusement, le BP peut se traiter efficacement.
* Paru dans Diagonales n° 133, janvier-février 2020, bimestriel du Groupe d’accueil et d’action psychiatrique (Graap), www.graap.ch. En savoir plus: www.burnoutparental.com
Le burn-out parental: l’éviter et s’en sortir, Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam, Editions Odile Jacob, janvier 2017.