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La pub libre quoi qu’il en coûte?

Interrogeant la place de la publicité dans la société, l’association OxySuisse soutient sa réglementation, dans le but de «diminuer les effets de l’usage de produits nocifs». Eclairage.
Santé

Au début de l’été, la loi sur les produits du tabac a été dotée de nouveaux articles pour tenir compte des interdictions de publicité votées par le peuple en 2022. Comme chaque proposition de régulation de la publicité, celle-ci a été combattue par les milieux économiques. A une période où les problématiques liées à la consommation sont nombreuses, il est important de connaître les arguments au cœur du débat sur la régulation.

Notre attention est devenue une matière première convoitée. Et elle rapporte gros: pour la capter, les publicitaires bénéficient d’un marché global en pleine expansion. Sa valeur est estimée à plus de 1000 milliards de dollars en 2025. Les plus gros bénéficiaires? Les plateformes qui captent la majorité de cette attention: Google, Meta et Amazon. A l’heure de la digitalisation et malgré les crises, l’efficacité de la publicité pour faire consommer est établie.

A combien de publicités avez-vous été ou allez-vous être exposé·e aujourd’hui? Plus d’un millier probablement. Pourtant, les personnes qui apprécient la publicité sont rares. Ce n’est pas le cas de celles qui sont prêtes à payer pour s’en passer. Spotify, Youtube et maintenant Facebook offrent des abonnements payants sans pub – exit l’emblématique «c’est gratuit et ça le restera toujours». Avec succès: Google dénombre 100 millions d’utilisateurs de ses services premium.

En Suisse, les années 2020 marquent un tournant dans la régulation de la publicité. Les villes de Berne, Mont-sur-Lausanne, Zurich, Vernier et Lancy ont promulgué une interdiction de l’affichage commercial. Au niveau national, le Conseil fédéral va lancer prochainement la consultation relative à l’ordonnance d’application de la Loi sur les produits du tabac révisée, qui fait suite à l’initiative «Enfants sans tabac».

Portées par la gauche et les milieux de la prévention, ces mesures entendent limiter la consommation des produits nocifs pour la santé et l’environnement.
Côté publicitaires et annonceurs, la riposte s’organise. Les faîtières nationales de la branche se sont fortement impliquées dans la campagne contre l’interdiction de l’affichage commercial à Lancy et dénoncent un «danger pour la démocratie». Parallèlement, les affiches de la campagne de l’Union suisse des arts et métiers et ses alliés de «Pas un bébé» ont fleuri dans tout le pays pour dénoncer des régulations qui seraient synonymes d’une «mise sous tutelle» émanant d’un «Etat-nounou».

L’enjeu se résume à ces questions: Est-ce que la protection de la santé publique est une motivation suffisante pour restreindre la publicité? Et la capture de notre attention à des fins publicitaires peut-elle être justifiée en invoquant la liberté?
Les réponses se précisent. Le Tribunal fédéral a validé la légitimité de la décision de Vernier, le GIEC recommande la limitation de la promotion des modes de vie polluants et un récent sondage souligne le soutien de la population à des interdictions motivées par la santé publique. La publicité ne fait pas qu’informer: elle incite à consommer, parfois en désinformant, en trompant et en ciblant les plus jeunes. Sa restriction constitue donc un levier pertinent pour réduire l’impact sanitaire et environnemental de produits nocifs.

Souvenons-nous-en lorsque publicitaires, industriels et leurs alliés crient aux atteintes contre les libertés fondamentales des citoyens. Ils ont tout intérêt à positionner la publicité du côté de la liberté. Car nul n’est plus vulnérable à la manipulation que celui qui se croit libre.

L’association OxySuisse met en œuvre l’initiative Transparency
and Truth qui vise à dénormaliser l’industrie du tabac.