Du genre dans les molécules
La médecine doit aider à mieux vivre. On attend du corps médical qu’il soit à l’écoute, avec ses compétences mais sans préjugés liés au genre ou à l’origine. Or les choses ne se passent pas toujours ainsi. En France, un rapport publié en 2018 par un collectif d’associations féministes et anti-discriminations a montré la prégnance, en particulier au sein des services d’urgence, d’un diagnostic qu’on ne trouve dans aucun livre de médecine: le «syndrome méditerranéen». En résumé, un patient a moins de chances d’être pris au sérieux s’il porte un nom à consonance arabe ou africaine – les préjugés racistes attribuant à ces personnes une «tendance naturelle» à surréagir…
Les biais de genre, eux, touchent toutes les catégories de femmes. La sphère académique, où sont formés les médecins de demain, en a pris conscience puisqu’à Genève, la Faculté de médecine de l’université place désormais ses enseignements dans une perspective de genre.
Et la pharmacologie clinique? Elle accuse un «retard colossal», constate Antoinette Péchère, membre de la commission de l’égalité de la Faculté de médecine de l’université de Genève, et observatrice depuis plus de vingt ans des biais de genre dans sa discipline. L’importance est reconnue de garantir une répartition paritaire lors des phases précoces de la recherche. Tester les médicaments aussi du point de vue du corps féminin se justifie notamment en raison des différences physiologiques. Mais on n’y est pas encore. Et pourtant, les conclusions s’appliqueront de manière indifférenciée aux femmes et aux hommes.
S’ajoutent à cela des disparités dans le dépistage et la prise en charge de nombreuses pathologies. Les biais de genre faussent les diagnostics, avec un impact sur la santé des patients. C’est le cas en cardiologie pour les femmes, tandis que la dépression est sous-diagnostiquée chez les hommes: les stéréotypes, en fin de compte, nuisent à tout le monde.
Les choses changent peu à peu et une plus grande participation des femmes à la recherche y contribuera. En prenant mieux conscience des biais de genre et en encourageant les bonnes pratiques, la collectivité se doterait d’une médecine vraiment éthique et égalitaire.