Édito

Roger et nous

Roger et nous
Des militants écologiques manifestent lors de la Laver Cup à Genève. KEYSTONE
Crise climatique

Roger Federer s’est retrouvé acculé par Greta Thunberg. En marge du procès des militants du climat qui avaient – oh horreur! – organisé une partie de tennis dans un hall de Credit Suisse, il a été interpellé via les réseaux sociaux par l’activiste climatique suédoise. Et, pour la première fois, il a réagi. Alors que cela fait des années que ses liens avec son sponsor sont critiqués. La banque finance de très polluantes opérations dans le secteur énergétique, elle est notamment impliquée dans le Dakota Access Pipeline.

On a donc eu droit à un très bel exercice de langue de bois. «Je prends très au sérieux les impacts et la menace du changement climatique.» Suivi d’une promesse: «Je m’engage à utiliser cette position privilégiée pour dialoguer sur des questions importantes avec mes sponsors.» Credit Suisse a dû trembler.

Le cas Federer est intéressant à plus d’un titre. En tant qu’icône, son comportement sert, comme l’ont montré les travaux précurseurs du sociologue Thorstein Veblen, de standard de consommation pour le commun des mortels. En l’occurrence, son train de vie ostentatoire est celui de tous les excès. Lors de sa venue il y a un an au bout du lac, il a été accueilli en messie dans la mairie de la Ville de Genève. Des écrans géants le mettaient en scène dans son jet, son Hummer ou en train de jouer au tennis sur le toit d’un gratte-ciel dans une dictature pétrolière. Sans oublier sa prétention à bloquer tout passage aux gueux sur les rives du lac de Zurich où il érige un palace sur une parcelle de 16 000 m2 coûtant entre 40 et 50 millions de francs.

Et le souci exprimé – ça ne mange pas de pain – peut aussi être lu à l’aune de sa présence dans le scandaleux open d’Australie. Un spectacle indécent alors que des feux géants chassent des milliers de personnes de leur domicile et carbonisent des pans entiers de la biodiversité. Un acte véritablement courageux eut été de renoncer à jouer dans ces conditions indignes.

L’industrie du sport est la manifestation ultime d’un monde uniquement régi par les intérêts de l’argent. On ne peut rien attendre des acteurs de ce spectacle. Inutile de les ménager. Et évitons de les flatter pour récolter quelques miettes électoralistes, comme cela a été fait il y a une année à Genève avec un maire et un ministre des Sports se pavanant et déroulant le tapis rouge à une manifestation privée à Palexpo où des loges VIP étaient proposées à 12 000 francs.

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