Résistance et utopies
Ingénieur horticole, paysagiste, écrivain, jardinier, enseignant à l’Ecole nationale supérieure du paysage à Versailles, Gilles Clément s’inscrit dans une démarche aussi créative que politique en développant sa propre philosophie du jardin. Des concepts comme le «jardin en mouvement», le «jardin planétaire» ou encore le «tiers-paysage» apportent un nouvel éclairage au domaine du paysage et interrogent notre rapport à l’environnement naturel. Il sera présent, le 14 janvier, au Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel pour une intervention intitulée «Nature en résistance» en dialogue avec le directeur du Muséum, Ludovic Maggioni. La comédienne Françoise Boillat lira notamment, à cette occasion, un texte de Judith Butler sur le «corps inorganique de l’Homme» chez le jeune Marx.
Professeur émérite à l’Institut d’urbanisme de Paris, philosophe de l’urbain, Thierry Paquot est l’auteur de nombreux ouvrages portant sur la question de l’utopie. Que ce soit Utopies et utopistes, Lettres à Thomas More sur son utopie (et celles qui nous manquent) ou encore l’ouvrage collectif Rêver demain: utopies, science-fiction, cités idéales, ses œuvres explorent les mutations successives qu’ont connu les utopies depuis le XVIe siècle.
Interrogé par l’historien des idées politiques Thomas Bouchet, il abordera la question «Utopie ou piège de l’idéal?» lors d’une conférence publique au Théâtre de Vidy-Lausanne, le 15 janvier. Au cours de cette rencontre, un extrait de L’Ode à Charles Fourier d’André Breton et un autre de Fourier lui-même tiré du Nouveau monde industriel et sociétaire seront lus par la comédienne Emilie Charriot.
Néologisme introduit par Thomas More en 1516, évoquant un lieu à la fois «bon» et situé «nulle part», l’utopie constitue une méthode unique de réflexion sur la politique et la société. Or, d’après Paquot, il serait devenu de plus en plus difficile d’imaginer un «ailleurs» faisant rêver sur une terre entièrement cartographiée. Cette «panne de l’utopie» serait liée, d’une part, aux dérives du communisme réel l’ayant assimilée au totalitarisme mais aussi, d’autre part, à la multiplication d’alternatives qui se présentent comme autant d’utopies spontanées occultant la question de l’édification d’une société véritablement différente. Le 15 janvier, il s’agira ainsi de renouer avec ce concept, de comprendre son étymologie et ses évolutions historiques afin de mieux en appréhender les implications actuelles. En effet, bien que méprisées, les utopies ne sont peut-être pas condamnées: face à une crise écologique sans précédent, l’entreprise utopiste revêt des fonctions politiques essentielles et pourrait ouvrir une brèche en proposant de nouveaux idéaux.
Le travail de Clément s’inscrit, en un sens, dans une telle démarche. En réponse à certains défis contemporains, il prône une écologie humaniste qui participe d’une réflexion plus large sur la mise en place d’une société différente. Il nomme jardin en résistance «un jardin sans asservissement aux tyrannies du marché mais avec le souci de préserver toutes les diversités et le bien commun». Affichant une conscience de la finitude spatiale et de l’interdépendance, l’écologie nous met en condition de partage et d’égalité.
Les thématiques de ces deux rencontres entrent en résonnance avec l’ambition de La Marmite – mouvement culturel, artistique et citoyen qui entend servir la vitalité sociale et démocratique.
Notre invitée est politologue.
• «Nature en résistance» par Gilles Clément, mardi 14 janvier, 20h, au Muséum d’histoire naturelle, rue des Terreaux 14, à Neuchâtel.
• «Utopie ou piège de l’idéal?» par Thierry Paquot, mercredi 15 janvier, 20h, au Théâtre de Vidy, rue E.-H. Jaques-Dalcroze 5, à Lausanne.