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Santé et climat: quoi de neuf?

À votre santé!

Ce dimanche après-midi je me promenais dans la plaine de «mon» Chablais et je voyais l’embouteillage sur l’A9 de tous ceux qui revenaient de «leurs» vacances de ski. Cela me rappela une discussion avec une connaissance m’expliquant combien l’aéroport de Cointrin était surchargé durant la période pré et post Noël. Chacun n’a-t-il pas le droit de s’échapper de son quotidien pour un repos bien mérité en montagne, pour pratiquer un sport presque national (même s’il se fait désormais sur de la neige «travaillée») ou troquer l’hiver gris typique du Plateau suisse pour une destination plus ensoleillée (et pourquoi pas Bangkok ou les îles Fidji!)? J’avais en mémoire ces images des feux qui ravagent actuellement l’Australie, mais aussi ceux qui ont touché récemment la Californie ou, cet été, l’Amazonie (encore que là, c’était volontaire, et largement soutenu par le président brésilien Bolsonaro, climatosceptique notoire qui y voyait une manière de soutenir l’extension de l’agrobusiness, mais ceci est un autre débat).

Cette discussion m’a fait repenser à une lettre parue dans BioScience, où plus de 11’000 scientifiques issus d’un large éventail de disciplines lançaient un cri d’alarme. Selon ces experts, notre Terre fait aujourd’hui «face à une urgence climatique claire et non équivoque». Les chercheurs pointent plusieurs grands domaines dans lesquels des mesures immédiates devraient être prises pour ralentir les effets du réchauffement de la planète. Avant tout le secteur de l’énergie, dans lequel les scientifiques appellent bien sûr à un remplacement immédiat des combustibles fossiles par des ressources renouvelables.

M’est revenu également en mémoire le rapport 2019 du «Lancet Countdown on health and climate change»1>The Lancet 2019; 394: 1836–78. intitulé «Que la santé d’un enfant né aujourd’hui ne soit pas définie par un changement climatique». Ce rapport rappelle combien la hausse des températures portera à conséquence sur la santé des enfants si rien n’est fait pour infléchir la trajectoire globale actuelle, qui augure un réchauffement moyen de 4 degrés d’ici la fin du siècle. Ce sont eux qui porteront le fardeau le plus lourd de la malnutrition et de la hausse des prix des aliments, eux qui souffriront le plus de l’augmentation des maladies infectieuses liée à l’accroissement de la durée de propagation des agents infectieux responsables des diarrhées et de maladies comme la dengue, l’Ebola ou la fièvre jaune. Sans parler de toutes les maladies dues à la pollution atmosphérique, aux intrants agrochimiques et aux perturbateurs endocriniens – tiens donc, on nous dit que les jeunes d’aujourd’hui en Suisse sont déjà moins fertiles qu’avant!

Si on parvient à limiter le réchauffement climatique sous la barre de 2 degrés, un enfant né aujourd’hui pourrait voir avant ses six ans la fin de l’utilisation du charbon au Royaume-Uni ou en Allemagne, d’ici ses vingt ans la disparition des véhicules à essence, la multiplication des pistes cyclables et espaces verts en ville et, vers 2050, un monde avec un niveau net de zéro émission de gaz à effet de serre. Pour cela les scientifiques nous demandent de participer à une action «audacieuse» propre à renverser l’impact énorme du changement, qui implique un questionnement de notre mode de consommation, mais aussi du sens que l’on donne à notre vie et, surtout, une remise en question de notre système économique. Or, on a l’impression que tout continue comme d’habitude. Business as usual! Et de nous féliciter dans «nos journaux» (pas dans Le Courrier!) du nombre record de skieurs dans nos stations ou de la fréquentation excellente de nos aéroports.

Peut-être que, trop souvent encore, notre vision de soignant (et peut-être de patient) est d’envisager l’environnement comme un phénomène étranger pouvant avoir un impact sur la santé: ne parle-t-on pas de déterminants (environnementaux, sociaux, etc.) sur la santé? Or, comme le rappelait le Professeur Senn, dans une tribune de la Revue Médicale Suisse, «rendre visible le lien d’interdépendance entre l’être humain, sa santé et l’environnement, c’est peut-être ça le vrai défi de la société et l’urgence climatique en médecine». Ceci est une autre manière de dire qu’il faut sortir du débat purement économique quand on parle de santé. C’est aussi rappeler que tous les domaines doivent inscrire l’urgence climatique dans leurs préoccupations et faire pression sur le monde politique pour que cela change!

C’est aussi cela que les jeunes qui étaient dans la rue ces derniers mois nous demandent, et que les dirigeants réunis pour la COP 25 semblent ignorer!

Notes[+]

Notre chroniqueur est pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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