La souffrance reste
Le point faible de Tariq Ramadan se trouve à Genève. L’écho donné à sa tournée promotionnelle dans les médias romands frôle l’indécence. Même si ce pauvre Dreyfus du 21e siècle a demandé pardon à Dieu, cela ne devrait pas l’absoudre des faits avérés contre lui. Surtout à Genève, quand dans les années 1980 et 1990, il profitait de sa position d’enseignant pour séduire et manipuler certaines de ses élèves (parfois mineures), et obtenir des faveurs de leur part. Ce n’était pas des femmes fortes qui voulaient lui tendre un piège; non, c’étaient des jeunes femmes séduites, puis utilisées avant d’être jetées. Elles ont été ses victimes, elles sont encore victimes aujourd’hui, méprisées.
Le volet helvétique de ces affaires est essentiel pour avoir une vision plus large du personnage. Peut-être encore plus au moment de cette contre-attaque médiatique, car ce volet détruit le mur que Ramadan s’évertue à construire entre les accusations gravissimes dont il est l’objet (viols, viol aggravé, viol en groupe…) et les actes odieux, avérés, commis il y a plus de trente ans sur des élèves pour lesquelles, puisqu’il y a prescription, il ne pourra pas être condamné. Pourtant, ces «abus» éclairent d’une lumière crue le prédateur qu’il pouvait être.
Rappelez-vous, à la lecture des faits rapportés par un rapport officiel, le Président du Conseil d’Etat genevois Antonio Hodgers a déclaré: «La lecture du rapport fait froid dans le dos». Evoquant Tariq Ramadan, il a jugé qu’«on a eu affaire à un prédateur qui a assouvi ses besoins sans aucune considération pour ces jeunes filles». Et il s’est demandé: «Pour cinq témoignages, combien n’ont pas osé témoigner? Ce n’est peut-être qu’un petit bout» (Tribune de Genève du 28 novembre 2018).
Aujourd’hui, dans l’Hexagone, Tariq Ramadan s’évertue à sauver sa peau face à la justice française. Vingt ans derrière les barreaux, c’est long. Alors, tous les moyens sont bons! Au diable le respect des femmes et ses belles déclarations de principe, il le vaut bien.
Et il ose dire qu’il n’y a pas de violence en lui!! Comment considérer ce mépris pour ces femmes, ces anciennes élèves? Ces paroles sont des gifles, des insultes qui font ressurgir les souffrances passées. Pas un regret, pas de remords; il ne doit des comptes qu’à Dieu.
Pour les victimes genevoises, en revanche, la prescription n’existe pas! La souffrance reste. Tariq Ramadan veut aller jusqu’au bout, espérons que la justice également.
Stéphane Lathion,
Genève.