Vaud

Le statut des prostituées en question

Vaud est le seul canton romand à ne pas disposer d’une obligation d’annonce pour les prostituées.
Le statut des prostituées en question
En cas d’adoption de la loi, la police pourra récolter des données comme l’identité, la photographie de la personne et connaître le lieu où elle exerce son activité. KEYSTONE
Prostitution

Les prostituées devront désormais s’annoncer auprès de la police. Et les salons de massage avoir un responsable clairement identifié. Voilà les deux points sur lesquels les parlementaires vont débattre ce mardi. Ces éléments font partie d’un projet de loi soumis par le Conseil d’Etat en avril 2018 et modifiant la loi du 30 mars 2004 sur l’exercice de la prostitution. Cette révision répond à des postulats d’anciens députés, Sandrine Bavaud (Les Verts) et François Brélaz (indépendant, ex-UDC). Vaud est le dernier canton romand à ne pas exiger d’annonce pour les professionnels du sexe. Une réforme qui a de fortes chances de passer la rampe.

Mieux protéger et informer

La loi révisée propose d’obliger les professionnels du sexe à s’annoncer aux autorités compétentes, une procédure pour l’heure facultative. La police pourrait ainsi récolter des données comme l’identité, la photographie de la personne et connaître le lieu où elle exerce son activité. Ce devoir d’annonce s’accompagne d’une obligation d’information. La personne qui se présente recevrait des renseignements et des recommandations pour limiter les risques liés à l’exercice de la profession. Ces dernières seraient fournies par les acteurs du terrain. Le but? Mieux protéger et informer les prostituées.

Des règles plus strictes sont aussi demandées pour les exploitants des salons de massage. La loi révisée précise les conditions d’octroi d’autorisation et établit les obligations du responsable de salon. Insalubrité, âge légal, permis de travail, désormais un tenancier devra répondre sur tous ces aspects auprès des autorités. Enfin les agences d’escortes entreraient dans le champ de la loi.

«Cette révision répondra à un réel besoin. Les personnes auront un accès plus rapide aux associations. Le texte définit aussi les critères minimums pour être responsable de salon. Certains d’entre eux sont très importants comme le fait de ne jamais avoir été condamné avant», relève la socialiste Carine Carvalho.
L’avocat et député d’Ensemble à gauche Jean-Michel Dolivo abonde dans son sens: «Cette obligation améliore un dispositif de protection et permet de lutter contre les abus des exploitants. Mais il faut que toute la procédure se fasse d’une manière non stigmatisante et qu’elle soit soumise au secret professionnel.»

De son côté, le PLR Philippe Vuillemin n’est pas convaincu par ce devoir d’annonce. «Je comprends que c’est une manière de protéger les travailleuses et de dissuader en même temps des groupes organisés, mais il s’agit aussi clairement de surveiller toute sorte de trafic et de mafia à travers les prostituées. Les policiers ne doivent pas se servir de ces filles pour traquer ces milieux.» ll précise que c’est une position personnelle qui ne représente pas nécessairement celle de son parti.

Une révision attendue

Pour l’association Fleur de Pavé, qui défend les droits des travailleurs du sexe, cette révision est plus qu’attendue. La directrice Silvia Pongelli salue la réglementation des salons de massage. Elle regrette cependant que leur nombre décroît. La prostitution de salon assure une meilleure protection des travailleuses que si elles exerçaient dans la rue. «Il ne reste plus que 100 à 130 salons et il est de plus en plus difficile d’en ouvrir. Il faut des locaux à affectation commerciale et il y a toujours beaucoup d’oppositions lors des mises à l’enquête.»

En 2004, ce même débat avait déjà eu lieu et le parlement avait estimé que le devoir d’annonce risquait d’exclure les personnes précarisées et sans papiers, rejetant ainsi cette modification. Entre-temps, les cantons voisins ont changé leur loi et leurs pratiques.

Quelques points restent en suspens

La nouvelle mouture de la loi prévoit une subvention spéciale aux associations afin de rémunérer leur travail d’information. L’argent proviendra du budget du Département en charge de la Santé publique. Mais faudra-t-il plus de policiers sur le terrain? Seront-ils formés? La police cantonale n’a pas souhaité répondre à ces questions. A noter qu’elle dispose, comme la police de Lausanne, d’un groupe «prostitution» ainsi que d’inspecteurs des mœurs déjà formés. Côté sanction, le texte renvoie à une disposition du code pénale. En cas de non-annonce, l’activité sera considérée comme «exercice illicite». On nous assure toutefois que sanctionner «n’est pas le but». «On ne va pas faire une chasse aux personnes qui ne s’annoncent pas», nous confie-t-on. «Il faudra tout de même s’assurer que cela ne sera pas le cas sur le terrain et que la police ne se livrera pas à des contrôles d’identité et des arrestations pour infraction à la loi sur les étrangers», soutient Jean-Michel Dolivo. Une commission cantonale de coordination composée des acteurs du terrain sera chargée de monitorer ce dispositif. «Tous ont pour objectif de protéger de l’exploitation et de la traite», souligne la députée Léonore Porchet. SKN

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