Édito

Russie: le retour de la question sociale

Russie: le retour de la question sociale
Requinquée par les manifestations de l'été (ici le 31 août dernier), l'opposition à Vladimir Poutine a fortement progressé ce week-end aux élections du parlement de Moscou. KEYSTONE
Russie

Le mouvementé été moscovite aura finalement conforté tous les camps. Requinquée par la rue, l’opposition plurielle à Vladimir Poutine a fortement progressé ce week-end aux élections du parlement de Moscou, sans toutefois ravir la majorité au maire Sergueï Sobianine. Elu en 2010 puis réélu en 2013 et 2018, cet ancien haut fonctionnaire garde donc les pleins pouvoirs sur cette mégapole de 12 millions d’habitants, et en particulier sur ses investissements pharaoniques.

Pour Russie Unie, le parti nationaliste au pouvoir, l’essentiel est sauf: le risque de voir surgir une figure de l’opposition à la tête de la capitale est écarté. A moins de cinq ans d’un scrutin présidentiel auquel Vladimir Poutine ne pourra participer, l’enjeu était réel.

De plus, les bons résultats dimanche de Russie Unie hors de Moscou laissent entendre que les électeurs ont davantage sanctionné M. Sobianine que son allié fédéral. Conséquence, notamment, d’une crise estivale incroyablement mal gérée, entre autoritarisme et autisme, qui a reboosté en quelques semaines une opposition pourtant extrêmement divisée et inaudible pour la grande majorité des Russes.

Or le feu couvait sous l’apparente sérénité des Moscovites. De nouvelles taxes en projets clinquants, les habitants de la capitale voient sans aucun doute leur ville embellir mais également se gentrifier inexorablement. Repoussant les plus modestes vers les confins d’une agglomération parmi les plus étendues d’Europe.

Au final, le vieux Parti communiste, que l’invalidation de candidats et la répression policière avaient remis dans la rue en août, a tiré son épingle du jeu, avec 13 élus sur 45. Loin devant les quatre élus libéraux ou les trois sociaux-démocrates.

A l’évidence, le danger pour l’establishment russe provient du fossé social qui se creuse à Moscou et qui menace le reste de la Russie. Le cocktail de sanctions internationales et de matières premières moins rémunératrices a affaibli le deal passé entre Poutine et les oligarques, compromis qui avait permis de rediriger une part des richesses produites vers les services publics.

En esquivant la question sociale au profit de l’unité nationale, Vladimir Poutine s’est longtemps assuré un solide socle populaire. Mais entre l’affouragement sans fin d’une élite parasitaire et les revendications d’une immense majorité de la population, instruite et consciente de ses droits, la récession impose un choix. Impossible, dans le modèle poutinien.

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