Suisse

Très loin de l’objectif annoncé

On s’attendait à une ruée sur les résidences secondaires et des prix qui flambent. C’est l’inverse: le nombre de logements vacants n’a cessé d’augmenter depuis le oui à l’initiative Weber.
Très loin de la catastrophe annoncée
En Valais, les craintes liées à la Lex Weber étaient en grande partie infondées. KEYSTONE/ARCHIVES
Initiative Weber

L’acceptation de l’initiative Weber par le peuple en 2012 avait été ressentie comme un véritable camouflet pour les régions de montagne et tout particulièrement en Valais. Aujourd’hui, près de quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi d’application, tout le monde est bien forcé de reconnaître qu’on est très loin de la catastrophe annoncée. La question faisait l’objet d’un séminaire organisé lundi à Berne par le Groupement pour les régions de montagne (SAB).

L’initiative limitant à 20% le taux de résidences secondaires dans chaque commune, on s’attendait à une ruée sur celles-ci et des prix qui flambent. C’est tout l’inverse qui s’est produit. Le taux de tels logements vacants n’a cessé d’augmenter depuis 2012. Il a même doublé en Valais, alors que la hausse est de 50% sur le plan suisse. Les prix, eux, sont restés stables, voire ont baissé.

Un frein à la surchauffe

«Les effets négatifs sont nettement moins grands que prévu, mais les effets positifs, eux, sont quand même bien visibles, à savoir la préservation des paysages», constate le conseiller aux Etats Hans Stöckli. Et le socialiste bernois d’ajouter: «Les milieux concernés remercieront peut-être un jour les initiants d’avoir évité que la surchauffe ne continue dans la construction.»

Directeur du SAB, Thomas Egger n’en est pas encore là: «On n’en est pas à la catastrophe annoncée, mais cette initiative a eu un impact négatif sur les régions de montagne, avec notamment la perte de places de travail dans la construction.»

Le démocrate-chrétien valaisan ajoute: «Le marché des résidences secondaires est saturé aujourd’hui et ce n’est pas l’effet qu’on attendait. Cela n’est toutefois pas dû à l’initiative, mais à d’autres facteurs.» Parmi ceux-ci, le conseiller national évoque en premier lieu un changement de génération et une manière de pratiquer le tourisme qui a évolué.

L’âge moyen des propriétaires de résidences secondaires en Suisse est de 58 ans et près de la moitié sont à la retraite, note Heinrich Summermatter, président de l’organisation faîtière des propriétaires de résidences secondaires. Et leurs descendants n’envisagent pas d’aller passer leurs week-ends et leurs vacances au même endroit.

Un modèle dépassé

«Le modèle de la résidence secondaire est un modèle dépassé qui était déjà arrivé à son terme au moment de la votation populaire», n’hésite pas à déclarer Eric Bianco, chef du Service valaisan de l’économie, du tourisme et de l’innovation. Si ce modèle a pu connaître encore quelques beaux jours au début des années 2000, c’est grâce au développement des transports aériens faciles et bon marché, rendant intéressant l’achat d’un logement en Valais par exemple pour les touristes britanniques.

Conséquence: il faut mettre l’accent sur d’autres priorités. Eric Bianco le reconnaît toutefois: «Le passage d’un développement touristique reposant sur l’économie de la construction à un véritable tourisme d’exploitation n’a pas encore eu lieu».

«Réchauffer les lits»

Pour le chef de service valaisan, «il est urgent de renforcer l’hébergement organisé». Et pour cela, il faut notamment professionnaliser les structures touristiques et développer le tourisme tout au long de l’année. Et il y a aussi, comme il le dit joliment, «la nécessité de réchauffer les lits». Il se demande notamment s’il ne faut pas transformer les offices de tourisme en véritables back offices, pour venir en appui aux prestataires touristiques.

Thomas Egger met en avant encore d’autres moyens de renforcer la compétitivité de l’hôtellerie: «Il faut encourager les modèles de coopération entre hôtels, comme ceux qui se sont mis en place à Grächen, dans le val d’Illiez ou le Lötschental.»

Ce séminaire tombe à point selon lui, parce que la Confédération est en train de lancer le processus prévu d’évaluation des effets de l’initiative Weber. Et pour le directeur du SAB, cette évaluation devra aller au-delà des seules questions entourant les résidences secondaires.

Des bugs à corriger

Mais sur ce point précis, le séminaire a aussi permis de mettre le doigt sur quelques «bugs» de la nouvelle législation. Et notamment le fameux accord trouvé au parlement entre la droite et les initiants, pour autoriser la transformation des hôtels en résidences secondaires, mais seulement à moitié. Une fausse bonne idée, selon Thomas Egger, car cela conduit au maintien en place de structures hôtelières trop petites, vieillottes et pas rentables.

Autre défaut repéré, les trop nombreux obstacles mis à la transformation de nouveaux logements en résidences secondaires. Cela a, semble-t-il, pour effet de limiter l’attrait à s’installer en résidence principale dans les vallées, les propriétés perdant de la valeur. Et ce n’était évidemment pas le but de l’initiative. Des points qui pourront être corrigés s’ils sont confirmés par l’évaluation lancée. LA LIBERTÉ

Suisse Philippe Castella Initiative Weber Tourisme

Connexion