Bas salaires et poudre aux yeux
De quoi relativiser le miracle suisse. Deux récentes enquêtes de l’Office fédéral de la statistique (OFS) mettent en évidence des réalités sociales et économiques peu reluisantes: 12% des travailleuses et des travailleurs occupent des postes à bas salaires (soit en dessous de 4335 francs par mois).
Sans surprise, on voit que certaines branches recourent très fortement à ce travail mal payé: la vente, la restauration et l’hôtellerie. Dans le commerce du détail, 17% des emplois entrent dans cette catégorie. Dans la restauration, la moitié des postes sont mal payés! Il s’agit là d’un modèle économique.
Le travailleur mal payé est souvent une travailleuse. Les bas salaires sont de 15,8% chez les femmes contre 6,5% chez les hommes. Même si un rééquilibrage semble en cours, puisque ce taux était encore de 19,4% en 2008 pour les premières. On observe une décrue chez les femmes et une augmentation chez les hommes. Le «progrès» est donc tout relatif. Enfin, les jeunes et les travailleurs âgés sont plus lourdement touchés.
On relève que dans certaines régions, comme le Tessin, ce taux atteint 25%. Ou encore 19% dans le secteur privé à Genève1>Tribune de Genève du 29 juillet.. C’est donc sans surprise qu’on lit dans une seconde recherche de l’OFS que le taux de sous-emploi (des personnes qui travaillent à temps partiel mais qui souhaiteraient des horaires plus étendus) est de 7%. Ce qui place la Suisse dans le peloton de tête au niveau européen.
Cette précarité sociale et économique persistante peut constituer un élément pour expliquer la montée de certains néopopulismes. La Lega au Tessin semble avoir de beaux jours devant elle avec un quart des travailleurs à bas salaire. Idem pour Genève. Il est alors tellement aisé pour ces partis de trouver des boucs émissaires – immigrés ou frontaliers – qui seraient responsables du dumping salarial, tout en s’opposant aux mesures à même de faire cesser ce type d’exploitation. Que n’a-t-on pas entendu lors des débats sur le salaire minimum?
Il faudra bien revenir à la charge sur cette question. Et garantir aux travailleurs une protection digne de ce nom contre les mesures de rétorsion lorsqu’ils renâclent à accepter de tels traitements. A défaut, on risque d’avoir un Sarkozy à croix blanche qui viendra instrumentaliser ces études et brailler des slogans du type «travailler plus pour gagner plus». On a vu la clique blochérienne experte dans ce genre de manipulations statistiques. Le patronat n’est d’ailleurs pas en reste en matière d’arguments surfaits lorsqu’il s’agit de faire turbiner le dimanche ou promou-voir les ouvertures nocturnes.
Notes