Les idées les plus sombres peuvent être brillamment lumineuses. Celle que vient d’annoncer l’agglomération franco-valdo-genevoise est de celles-ci: le soir du 26 septembre prochain, le Grand Genève n’allumera pas son éclairage public. Histoire de sensibiliser le million d’habitants concerné aux méfaits de la pollution lumineuse, véritable fléau contemporain provoquant dérèglement des rythmes biologiques de la faune et de la flore, risques pour la santé humaine et consommation d’énergie inutile. Quant aux étoiles, il est devenu pratiquement impossible de les observer depuis nos contrées. Pour autant que le ciel soit dégagé, on pourra scruter les lunes galiléennes de Jupiter; voire tenter de compter, les nuits étant plus longues en septembre, les astres composant la voie lactée.

Presque 110 communes ont accepté de jouer le jeu, des deux côtés de la frontière et de la Versoix, témoignant d’un dialogue régional et interfrontalier fructueux. Ce sera une première pour une agglomération de cette taille, assurément scrutée très loin à la ronde: la thématique de la pollution lumineuse préoccupe tout autour du globe. A terme, l’idée est de rendre l’événement pérenne, idéalement bisannuel. Et surtout d’en faire le vecteur d’une réflexion plus globale sur l’éclairage de nuit, pour que nature, animaux et humains profitent de cette éclipse davantage que deux fois par année.

Le débat dépassera évidemment le simple passage à des modes d’illumination plus soft: c’est tout notre rapport à la nuit qui doit changer. Sans que le sentiment de sécurité ne soit sacrifié, par exemple pour les déplacements à pied de personnes seules. En France, 12 000 communes ont d’ores et déjà réduit leur éclairage nocturne, dont une ville de 70 000 habitants comme Mérignac, dans le Bordelais. Les automobilistes y conduisent moins vite, ce qui diminue le nombre d’accidents. Quant au tapage nocturne et aux incivilités, il est également en baisse.

Mais agir sur l’éclairage public ne suffira pas, comme on pourra évidemment s’en rendre compte la nuit du 26 septembre, dans certaines portions de Genève. Celles saturées d’enseignes privées et autres vitrines suréclairées, qui assurent promotion et visibilité par une débauche de lux. Le bon vouloir ayant ses limites, un changement législatif s’imposera donc. Pour que la rade brille à nouveau de mille étoiles plutôt que de cent réclames.