Édito

Politique du marchandage

Politique du marchandage
Le renouvellement des postes clefs du système communautaire n'a fait que confirmer le triomphe de la bureaucratie néolibérale. KEYSTONE
Union européenne

L’Union européenne est sortie mardi de l’impasse dans laquelle elle stagnait depuis les élections. Il aura fallu quatre sommets de chefs d’Etat pour renouveler les postes clefs du système communautaire. Du côté des bonnes nouvelles: pour la première fois, les fonctions majeures que sont la tête de la Commission européenne et la présidence de la Banque centrale seront occupées par deux femmes: l’Allemande Ursula von der Leyen et la Française Christine Lagarde.

Mais ces nominations ont aussi leur part d’ombre tant elles donnent l’impression de pures manœuvres politiques. En clair: Angela Merkel a placé son poulain – en perte de vitesse en Allemagne et ne pouvant plus briguer sa succession à la tête de la Chancellerie – et Emmanuel Macron poursuit son opération de prédation en s’assurant de la loyauté de l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy.

Habile? Sans doute. Mais guère démocratique. Et certainement pas à même de susciter le sursaut et la recomposition de l’édifice européen mis à mal par des années de déni démocratique – les référendums français et irlandais superbement bafoués en 2005 –, de réponse scandaleuse et antisociale à la crise économique de 2008 avec la mise à genoux de la Grèce, et de crise déclenchée par le Brexit. Des parlementaires britanniques se sont d’ailleurs donnés en spectacle en tournant le dos de manière ostentatoire pendant que retentissait L’Ode à la joie dans le nouveau parlement européen.

Tout cela a des allures de fin de règne. Et pourtant, les enjeux sont cruciaux et nécessiteraient un sursaut unitaire du Vieux-Continent, à la hauteur des défis: diplomatie étasunienne devenue enragée et rétive au droit, crise du Moyen-Orient, crise climatique…

Les arrangements de mardi au sein d’une classe politique coupée des réalités laissent penser que cela ne va pas changer. C’est bien à une fuite en avant que l’on assiste, selon des modalités idéologiques connues: tout le pouvoir aux marchés. L’accord conclu le 28 juin avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), qui fait la part belle aux intérêts des multinationales de l’agroalimentaire au détriment des producteurs locaux et, partant, de la lutte contre le réchauffement climatique, l’illustre parfaitement.

Enfin, ce triomphe de la bureaucratie néolibérale est de mauvais augure pour la Suisse, en négociation avec Bruxelles pour le fameux accord-cadre. Manifestement, ceux qui tablaient sur l’après–Junker en sont pour leurs frais. Autant de raisons pour les syndicats helvétiques de rester droits dans leurs bottes et de ne pas céder sur l’essentiel.

Opinions International Édito Philippe Bach Union européenne

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