Le vidéoclub (et établissement socio-culturel) «Le Cinoche», situé à Genève, dans la commune de Chêne-Bourg, est un endroit exceptionnel. Il est sans doute le dernier établissement de ce type encore en activité en Romandie. Il comprend 35 000 dvd allant de Renoir aux blockbusters, des films iraniens aux suisses, du documentaire au dessin animé, du film musical à l’expérimental, etc. C’est un lieu unique qui fait aussi office de point de rencontre pour les habitants de la région et emploie des personnes en situation précaire.
Pourtant, dans l’indifférence des autorités politiques et culturelles, le Cinoche va devoir définitivement fermer ses portes à la fin du mois de juin. Les nombreuses personnes qui fréquentent cet endroit vieux de presque quatre décennies, et qui sont attachées à la notion de patrimoine cinématographique, de rapport à l’objet, de contacts humains, sont atterrées.

Tout comme les livres, les films doivent être préservés et sauvés. La dématérialisation des rapports sociaux et des biens culturels n’entraîne pas l’humanité sur la bonne pente. Le Cinoche, à cet égard, a une fonction emblématique. Il préserve et rassemble. Il est garant d’une certaine idée de la culture et du lien social.

La modernité supposée de l’accès aux films et séries via les téléchargements, TVBox et plateformes diverses est un leurre dont nous paierons bientôt tou-te-s le prix au sens propre comme figuré. Au-delà du repli sur soi que caractérise ce modus operandi et qui s’inscrit dans le fractionnement du tissu social voulu par les tenants du système économico-politique actuel, les offensives hégémoniques des GAFA sur la production audiovisuelle, ses contenus et sur les moyens de diffusion laissent présager des lendemains désenchanteurs. Quand tout l’accès est aux mains de quelques-uns et que seule la «connexion à la Matrice» permet d’accéder à des biens culturels, on peut être certain que ceux qui tiennent les leviers ne se priveront pas d’abuser de leur position sur tous les plans: gestion des données personnelles, matraquage publicitaire, contrôle des prix, et emprise sur les contenus.

A son niveau local, le Cinoche fait office de micro-résistance. Dans l’intérêt de tous, que les autorités de Chêne-Bourg et de Genève réagissent! Soutenu jusqu’il y a peu par les EPI, une institution publique chargée de l’intégration de personnes en situation précaire, le Cinoche s’est vu couper les vivres de manière abrupte, il y a à peine quelques semaines, à la faveur d’un changement de direction à la tête de cet organisme. Motif: pas assez rentable! A notre époque même le social doit être lucratif! Pour cette raison, non seulement le Cinoche va disparaître, de même que ses emplois (le plus ancien employé y travaille depuis trente ans!), mais toute sa collection également! Alerte!