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Tous manipulés, la plupart consentants!

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Depuis la plus haute antiquité, les chefs, les religieux, les politiques ont compris que deux méthodes permettaient de conditionner leurs troupes et de faire accepter l’inacceptable à chacun (faire des travaux épuisants, tirer sur des inconnus, mourir pour des idées, acheter n’importe quoi…) La première utilise la terreur, la peur de la douleur, la soumission à l’autorité, la répression brutale de toute déviance par rapport au dogme ou aux ordres. Elle suppose la maîtrise de la force, au moins de la force de conviction. La seconde, c’est la récompense des actions demandées (par des honneurs, des promotions sociales, des prestations économiques, des plaisirs). Tout ceci n’est qu’appliquer à l’humain les techniques de conditionnement et de dressage par punition ou récompense qui marchent si bien chez les autres animaux, domestiques ou sauvages. Dans le monde du commerce, l’usage de la force brutale n’étant pas disponible, on recourt à des stratégies différentes, mais basées sur les mêmes principes, et tout aussi totalitaires. La récompense y est beaucoup plus utilisée que la punition, qui intervient surtout sous l’une de ses formes les plus perverses: la privation d’une récompense attendue.

Quand une des stratégies principales consiste à créer le désir des biens à vendre en fonction des profits attendus, avec le minimum de souci des besoins ou des goûts propres des acheteurs (s’ils en ont encore!), rendre inaccessible à beaucoup ce que l’on réserve à une élite, ou leur concéder sous forme dévaluée ce dont on a promu sous forme luxueuse, peut être une punition. Les entreprises privées en général, les multinationales en particulier, se sont donc lancées dans ces deux types d’approche. Créer des besoins en associant des récompenses, sous forme de plaisir, à la consommation de leur propagande, lancer des modes qui dévalorisent ceux qui se passent de leurs produits, ou bien qui les consomment sous des formes peu rentables. Le client idéal, sans doute le plus commun, est celui qui entre dans ce système sans en être conscient. A cette fin des psychologues-gourous du libéralisme sauvage ont développé des techniques nobélisées, comme les «coups de pouce» de Thalman, qui consistent à modifier les opinions ou les goûts des gens par de petites actions non perçues. Celles-ci, peu à peu, les conduisent à faire ce que l’on attend d’eux plutôt que ce qu’ils auraient voulu faire. Un exemple innocent a été l’aide au nettoyage des toilettes masculines par le collage de mouches-cibles au centre d’urinoirs fréquentés par des buveurs vacillants. Mais au delà de cette cause humanitaire, la théorie des «nudges», les fameux coups de pouce, est utilisée pour des objectifs bien moins sympathiques par les armées, les GAFAM, les grands du marketing et par les «influenceurs» politiques.

Pouvoir échapper à ces manipulations semble, a priori, un droit humain élémentaire pour une société de liberté. Mais, à moins de naître et de vivre dans un des derniers endroits qui échappent à la barbarie numérique de notre civilisation, c’est devenu impossible. La conquête abusive des espaces privés et publics a commencé avec l’affichage et les publicités sonores, puis filmées. Elle va désormais bien au-delà du «temps de cerveau disponible» que vendait, avec un cynisme réaliste, un patron de télévision. L’accès au moindre service passe par internet et un flux de publicité ciblé en fonction de données personnelles volées et revendues, par les entreprises privées et même les publiques. Lesquelles trahissent ainsi la mission qui motive leur existence. Acheter un billet de train ne justifie pas que l’on vous propose d’autres voyages que celui que vous voulez faire, ni des achats sans rapport, encore moins qu’un chantage impose d’accepter des «cookies» qui volent vos données personnelles. Faute de quoi, vous n’avez pas accès au service! La prétendue liberté du commerce, de l’information et d’une expression verrouillée est assurément mortelle pour les libertés individuelles.

*Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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