Coups portés à la démocratie
Alors qu’un guide de voyage classe Vevey parmi les meilleures destinations européennes de l’année, les dirigeants de la «Ville d’images» s’enfoncent, eux, toujours plus dans le ridicule. Les deux derniers membres élus et en fonction de l’exécutif semblent carrément avoir perdu pied. Une soixantaine de citoyens manifestaient même lundi soir pour réclamer la démission de la syndique verte Elina Leimgruber et du libéral-radical Etienne Rivier. Leur dernière frasque en date: avoir envoyé un commandement de payer pour 2 millions aux municipaux de Vevey libre.
Pour rappel, trois municipaux sur cinq sont sous enquête et suspendus. Le premier, le socialiste Lionel Girardin, est soupçonné de gestion déloyale des intérêts publics et abus de confiance. Président d’une fondation active dans le logement social, il y aurait employé ses proches et se serait octroyé illégalement des mandats rémunérés via sa propre entreprise. Des locaux loués par la fondation étaient également utilisés pour les activités économiques de Lionel Girardin. En arrêt maladie après la révélation des faits en avril 2018, il a été suspendu par le Conseil d’Etat en juin.
Les deux autres, les centristes Jérôme Christen et Michel Agnant, font l’objet d’une enquête pour violation du secret de fonction sur dénonciation de la syndique et ont été suspendus en décembre dernier. Il leur est reproché d’avoir transmis des documents confidentiels à la commission de gestion, dans le cadre de ses investigations sur l’affaire Girardin. En clair, d’avoir voulu faire preuve de transparence. Alors qu’à Genève les élus sous enquête s’accrochent contre vents et marées à leur siège, à Vevey ils sautent comme des fusibles lorsqu’ils déplaisent à leurs adversaires.
Car c’est bien un coup porté à la démocratie. Minorisés politiquement, les deux élus de Vevey libre – qui ont le soutien de leur parti et de la gauche radicale – ont été écartés pour avoir été dérangeants. La dimension politique de cet isolement n’est pas à prouver. Avant l’éclatement de l’affaire Girardin, la municipalité était déjà divisée par un profond conflit.
Le Conseil d’Etat a donné d’abord un coup de pied dans la fourmilière en suspendant les élus à la chaîne et en nommant des municipaux de remplacement, hors du sérail. Mais aujourd’hui, alors que Vevey s’enfonce encore plus dans la crise, son silence est assourdissant.
Beaux joueurs, les élus de Vevey libre avaient, l’automne dernier, accepté de démissionner à condition que les deux municipaux encore en place en fassent de même. Redistribuer les cartes démocratiques semble en effet la seule solution pour sortir la ville de ce cul-de-sac.