Édito

Vers l’Europe des citoyens

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Les Européens ont renouvelé leur soutien à la majorité néolibérale (conservateurs, libéraux, sociaux-démocrates), malgré son recul. KEYSTONE
Elections européennes

Un vote pour rien? Les élections européennes se sont closes dimanche sur un dramatique constat de décalage entre les enjeux de l’époque et les débats politiques. La campagne, orchestrée autour de partis et de thèmes nationaux, a démontré à quel point l’Europe peine à devenir un objet politique et démocratique à part entière.

Les résultats sont à l’avenant, avec cette montée en puissance des xénophobes, alors même que les politiques migratoires restent pour l’essentiel entre les mains des Etats et non de l’europarlement. Un vote d’autant plus irrationnel qu’aucune frontière n’arrêtera jamais un mouvement aussi naturel que la migration sur une planète profondément inégalitaire. Autant vider la Méditerranée avec une épuisette.
Même la poussée des Verts, en soi réjouissante, demeure à des années-lumière du défi qui nous attend. Un renforcement écologiste, qui plus est contrebalancé par le tassement de leurs seuls véritables alliés de la gauche radicale…

De la politique agricole, des traités de libre-échange, du droit du travail, de la coopération avec le Sud ou des investissements de l’Union européenne, il n’en a quasiment pas été question durant la campagne. Pas plus que du poids des lobbies dans une Europe passée en trois décennies du statut de projet politique supranational à cheval de Troie du démantèlement social et des privatisations.

Quatre ans après la mise à genoux de la Grèce, dont la démocratie était placidement humiliée au cœur de l’été 2015 devant un demi-milliard d’Européens, ces derniers ont donc renouvelé leur soutien à la majorité néolibérale (conservateurs, libéraux, sociaux-démocrates) incarnée durant cinq ans par le patron de la Commission européenne, l’optimisateur fiscal Jean-Claude Juncker. Une législature qui a vu les eurodéputés renforcer le «secret des affaires», refuser d’interdire le glyphosate ou encore, en ratifiant l’accord de libre-échange avec le Canada (CETA), donner la primauté aux tribunaux d’arbitrage et aux intérêts privés sur les lois souveraines.

Reste que cette liste de méfaits – et quelques rares réussites, comme les interdictions de la pêche électrique et des objets en plastique à usage unique – démentent le mythe d’un europarlement sans pouvoir. Au fil des réformes, ses élus ont acquis des prérogatives non négligeables, surtout à l’échelle d’un géant qui compte 7% des habitants du globe et pèse plus d’un cinquième de son PIB.

Rare instant commun de la citoyenneté européenne, ces élections auraient dû, auraient pu, contribuer à la construction d’un contrepouvoir populaire, démocratique, capable de s’opposer au Moloch bureaucratique et aux lobbies régnant à Bruxelles et de faire reculer le sentiment d’impuissance politique. On en demeure loin, très loin. Même si la progression de la participation demeurera malgré tout le signe le plus positif du week-end.

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