Édito

Ubérisation: optimum du capitalisme

Uberisation: Optimum du capitalisme
Des chauffeurs des taxis genevois manifestent concernant la "loi Uber". Keystone
Travail

Du neuf avec du vieux. L’ubérisation de l’économie voit l’émergence d’un néoprolétariat précarisé. Avec l’arrivée de nouvelles «professions», comme chargeur de trottinettes électriques, ou l’explosion des services de coursiers dans des conditions misérables, où l’on voit même des précaires exploiter plus fragiles qu’eux, par exemple en sous-traitant leur travail à des requérants d’asile.

Mais aucune profession n’est à l’abri. Ces petites mains de l’économie des services sont considérées comme des indépendants. Ils ne sont pas assurés, n’ont droit à aucune protection sociale en cas de maladie ni aux vacances. Un vrai rêve capitaliste. Une main-d’œuvre fragilisée, isolée et corvéable à merci.

Souvent, cette nouvelle exploitation se fait avec l’aimable complicité des pouvoirs publics qui ne rechignent pas à externaliser des tâches auparavant assumées par l’Etat à ce nouveau précariat. On songe par exemple au nettoyage ou aux livraisons.

Cette complicité s’explique. L’économie 2.0 est tellement tendance, et le lavage idéologique du temps de cerveau disponible a été faite à grandes eaux. Le néolibéralisme est une croyance, presque une religion, avec des dogmes difficiles à ébranler, à moins de courir le risque de se faire traiter d’hérétique. D’autant plus que le petit fumet de modernité qui plane autour de ces plates-formes constitue un obstacle supplémentaire à une réaction critique. On ne lutte pas contre le «progrès».

Et il est vrai que les nouvelles technologies de l’information et de la communication pèsent de tout leur poids en apportant le lubrifiant nécessaire à un marché pur et non faussé. La globalisation n’est pas un vain mot mais bien une nouvelle phase du capitalisme qui, mondialisé, atteint la plénitude de son fonctionnement.

Comment répondre à ce nouvel esclavagisme, lorsque les travailleurs sont atomisés, isolés les uns des autres? Du coup, des rendez-vous comme le 1er Mai en deviennent d’autant plus précieux. Ils peuvent être le lieu pour reconstruire des solidarités. Tout comme les grèves qui permettent de ressouder des professions divisées à coups de sous-traitance. Alors, on se parle, on discute, on s’organise… La clé de la résistance, le sésame pour défendre des droits fondamentaux à la dignité, le moyen de ne pas finir broyé.

En cela, ces moments qui ont rythmé le mouvement ouvrier ne sont en rien des archaïsmes ou des scories du passé. Mais bien une réponse moderne et pertinente à apporter à un problème vieux comme le monde: l’exploitation de tous par quelques-uns.

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