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Rwanda: une mémoire à soigner

La plaie reste ouverte
En août 1994, un jeune Tutsi regarde en direction d'un camp de réfugié de Nyarushishi, au Rwanda. KEYSTONE
Rwanda

C’était il y a vingt-cinq ans. Autant dire hier à l’échelle d’un pays. Ce week-end, le Rwanda commémore le début de la pire tragédie de la fin du XXe siècle: le génocide des Tutsis. En cent jours, des extrémistes hutus ont assassiné 800 000 personnes. Environ 70% de la minorité tutsie a été exterminée, principalement à la machette, ainsi que de nombreux membres de l’ethnie twas et des Hutus qui n’entendaient pas participer aux massacres.

Trois mois d’un déferlement de haine aveugle et de violences inouïes, aiguillées par la radio Mille collines, appelant à exterminer tous les «inyenzi» (cafards en kinyarwanda, ndlr). Une haine prévisible, dont les racines remontent à l’époque où l’imaginaire raciste des colons européens les poussait à constituer et hiérarchiser des groupes ethniques figés, alors qu’une perméabilité naturelle existait, qu’ils partageaient la même langue et les mêmes traditions et se mariaient entre eux.

Les épisodes de violences qui ont émaillé l’histoire du pays – massacres de 1959, de 1963-64, de 1973 et 1990-1993 – n’auront été que des étapes vers une inexorable conclusion. Vingt-cinq ans après, le Rwanda présente un visage séduisant. Il s’illustre en matière de bonne gestion publique et d’innovation en Afrique, dispose du parlement le plus féminin du monde. Surtout, la communauté internationale semble s’accorder pour saluer la gestion de «l’après», notamment dans l’accomplissement de son devoir de mémoire et de sa recherche de justice. Les tribunaux communautaires gacacas, malgré les dérives inhérentes à un tel processus, ont jugé, entre 2005 et 2012, près de 2 millions de personnes et en ont condamné plus de la moitié. Dans le même temps, l’Etat a lancé un fonds d’aide aux victimes, finançant logements, soins médicaux, etc.

Derrière ce vernis idyllique d’un pays «exemplaire» se cache sans doute une autre réalité. Si la constitution interdit toute discrimination, la méfiance entre Tutsis et Hutus est bien réelle. Et si l’on peut saluer les tribunaux communautaires, ils ont tout de même condamné un très grand nombre de Hutus, qui devront tôt ou tard réintégrer la société. En face, les crimes commis par le Front patriotique rwandais (mouvement rebelle arrivé au pouvoir en 1994, ndlr), n’ont même pas été jugés.

Le risque est important de s’aliéner la majorité hutue silencieuse, si une place et une voix ne leur sont données. Un risque encore accentué par les ambitions autocratiques de Paul Kagamé. Le génocide c’était hier, les plaies sont encore ouvertes. Mais pour aller vers une réconciliation, il faudra dépasser les symboles. Pour que l’histoire ne se répète pas. Pour enfin regarder vers l’avenir.

Opinions International Mohamed Musadak Rwanda

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