Édito

Le rejet d’un pouvoir momifié

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Manifestation contre un cinquième mandat du président algérien Abdelaziz Bouteflika, à Alger. (Keystone/AP Photo/Anis Belghoul)
Algérie

En une semaine de mobilisations inédites, les étudiants algériens ont ébranlé un pouvoir bien ancré. Vendredi, ils devraient à nouveau manifester en masse, pour crier leur refus de voir Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, briguer un cinquième mandat. Président depuis 1999, il incarne l’immobilisme politique le plus total. Au propre comme au figuré. Celui qui avait déjà été ministre en 1962 a passé ces dernières années confiné, dans un état quasi végétatif, incapable de s’exprimer de manière intelligible. Au point d’être remplacé dans les actes officiels par un portrait le représentant. Symbole ultime d’un régime momifié.

Ce tableau n’empêche pourtant pas son entourage de vouloir l’inscrire, d’ici à dimanche, pour concourir à sa propre succession le 18 avril. Au point de l’amener en urgence cette semaine aux Hôpitaux universitaires de Genève, afin de le requinquer avant de le présenter devant le Conseil constitutionnel.

Le réveil contestataire des étudiants est salutaire. Surtout dans un pays où l’opposition est depuis longtemps apathique, où la manne pétrolière a permis au pouvoir d’éteindre de manière clientéliste toute velléité de changement – tout en se servant dans les ressources de l’Etat –; et où le souvenir de la guerre civile des années 1990 reste vif et douloureux. La mobilisation soulève donc une vague d’espoir dans une Algérie où 45% de la population est âgée moins de 25 ans. Celui de voir se construire un après-Bouteflika démocratique, permettant un véritable développement politique et économique.

Mais cet espoir n’en demeure pas moins ténu. Le clan du président et l’armée contrôlent largement l’appareil d’Etat et les leviers d’une économie dépendante des hydrocarbures. Sans oublier l’épouvantail islamiste, toujours présent. Quant à l’opposition, elle n’est pas seulement morcelée: les partis politiques ne possèdent aucune capacité de mobilisation. Ainsi, si le rejet d’un cinquième mandat unit les protestataires, il n’existe actuellement aucun véritable programme politique à opposer au régime.

De plus, en 2019, la nécessaire transition démocratique algérienne ne peut être abordée sans tirer les leçons des situations des pays de la région. Et particulièrement de ceux qui ont vu le Printemps arabe renverser des dictatures en place… avant d’être, pour la plupart, ravagés par de sanglantes répressions, des atroces guerres civiles, ou subir une restauration martiale encore plus autoritaire.

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