Édito

Nouvelle Ère pour les LGBT au Kenya?

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Deux lycéennes ­kényanes vivent le coup de foudre. Les séances de "Rafiki" seront suivies d’une discussion avec les actrices. DR
Homosexualité

Le jugement pourrait s’avérer historique, et la communauté LGBT l’attend de pied ferme. Ce vendredi, la Haute Cour du Kenya décidera de l’abrogation ou non de la loi pénalisant les relations homosexuelles. Dans ce pays d’Afrique de l’Est, il est autorisé de se déclarer gay. Mais le «passage à l’acte» est interdit. A l’heure actuelle, les auteurs de pareil «délit» encourent jusqu’à quatorze ans de prison. Ils sont aussi régulièrement humiliés, victimes de chantage, ostracisés, battus, voire violés, pour les punir de leur orientation sexuelle.

Le Kenya pourrait ainsi sortir de la liste des 38 Etats du continent africain criminalisant l’homosexualité – l’Afrique du Sud faisant figure d’exception en autorisant le mariage gay depuis 2006. Le constat est variable selon les pays: tandis que le Tchad ou l’Ouganda ont renforcé les interdictions, l’Angola ou le Mozambique ont plutôt enregistré des progrès sociaux. L’intolérance, le patriarcat bien installé et les religions (chrétiennes et musulmanes confondues) sont de puissants moteurs pour maintenir ces lois liberticides.

Toutefois, leur origine se trouve généralement dans le passé colonial. Dans plus de quarante pays à travers le monde, les lois condamnant les LGBT sont des scories de l’Empire britannique et d’un lointain XIXe siècle.

En 2018, l’Inde s’est débarrassée de ce lourd héritage; les défenseurs des droits humains espèrent que le Kenya (également colonisé par la Grande-Bretagne) saura suivre son exemple et inspirer les pays voisins. Un tournant majeur pour le continent! La lutte contre l’impérialisme est invoquée par les deux parties. Les plus traditionalistes y voient une «déviance» envoyée par l’Occident, tout en appelant à la «vérité chrétienne», qui ne souffrirait pas de penchant homosexuel. Les autres y perçoivent un moyen de surmonter un passé lourd de discriminations, de montrer l’indépendance de leurs autorités morales et judiciaires et leur capacité à valoriser la dignité humaine.

Que ce combat se fasse par une assise locale et non sous pression extérieure est essentiel pour que le changement s’ancre dans les mentalités et pas uniquement dans la loi. Cela a été le cas au Kenya, grâce à des ONG très combatives. Le succès du film Rafiki – qui relatait le parcours de deux lesbiennes de Nairobi –, d’abord interdit puis autorisé dans son pays d’origine et qui a connu un immense succès international, montre que le changement est dans l’air. La suite est entre les mains de la Haute Cour et de la société civile. I

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