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Cris de Tiradentes

A la veille de l’ouverture de la Mostra de Tiradentes, un festival cinématographique d’envergure nationale, la scène culturelle brésilienne pose les jalons d’une résistance artistique face au gouvernement de Jair Bolsonaro.
Brésil

Réunie au sein d’un bucolique village du Minas Gerais, la scène artistique nationale brésilienne s’apprête à vivre la 22e édition de la Mostra de Cinema de Tiradentes, qui se déroulera du 18 au 26 février. Une occasion pour cette communauté d’échanger, de se rendre visible et d’évoquer les pistes d’une résistance artistique face à un gouvernement d’extrême-droite mené par Jair Bolsonaro, ayant récemment pris le pouvoir et décidé à restreindre le soutien public accordé à la culture et à l’art.

L’autocritique menée par les acteurs du festival a pourtant un goût amer: Des activistes présent-e-s, à l’instar de Duda Salabert, première candidate trans* à un sénat en Amérique latine, y dénonce le manque de visibilité de sa propre communauté. Avant de faire front au pouvoir en place, une introspection est nécessaire dans le champ même du cinéma – et du festival en question. Sur les 78 films présentés, seuls trois sont issus de réalisateurs-trices trans*. Cel-le-s-ci souffrent pourtant de maux connus, relevés par la politicienne: l’espérance de vie des personnes trans* au Brésil n’est que de 35 ans [en lien avec le nombre d’assassinats liés à la transphobie], 91% des trans* ne dépassent pas l’enseignement secondaire, 41% sont porteurs-ses du VIH. Penser la résistance au sein du champ artistique nécessite ainsi tout d’abord d’accroître la visibilité des personnes autres que les hommes cisgenres hétérosexuels et blancs. Présents en nombre lors des différentes tables rondes, les réalisateurs-trices racisé-e-s et/ou issues de la communauté LGBTQ* appellent à une résistance plurielle par le biais d’une visibilité accrue des personnes rangées dans la catégorie de «minorité».

Les œuvres présentées illustrent le besoin de pluralité et d’inclusion face à un Etat toujours plus liberticide. Inferninho (My Own Private Hell) de Guto Parente et Pedro Diógenes réaffirme la nécessité d’espaces propres et de résistance par et pour les individus aux marges d’une société oppressante. D’autres, à l’instar de Superpina de Jean Santos, évoquent comment l’amour libre et l’acceptation de son propre corps peuvent devenir des outils de résistance politique face au consumérisme et au capital.

Miroirs de la société brésilienne contemporaine, le festival ainsi que les films présentés illustrent une nation divisée et polarisée suite à un contexte électoral marquant et cherchant désormais à faire front de manière inclusive et unie.

L’auteur est étudiant en science politique à l’université pontificale catholique de Rio de Janeiro.

Opinions Agora Antoine Schalk Brésil

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